jeudi 9 février 2012

Video-club : La maison près du cimetière


Réal : Lucio Fulci

Avec : Catriona MacColl, Paolo Malco, Ania Pieroni

Norman Boyle quitte New York pour la banlieue de Boston afin de poursuivre les travaux d’un estimé confrère, suicidé par pendaison. Accompagné d’un épouse fragile et de leur jeune fils, ils emménagent dans une grande maison délabrée, construite au cœur d’un cimetière. Rapidement, Lucy va découvrir une pierre tombale sous un tapis du salon, quand Bobby s’amuse avec une jeune fille imaginaire et que, depuis le sous-sol, se font entendre les râles d’une chose ancestrale et putride prête à tout pour survivre…

Grincements de portes, clavecin inquiétant, dissonances, dès l’introduction La maison près du cimetière fait claquer des dents. Ritournelle nostalgique, mannequin décapité dans un bruit de succion, poupée brisée, tout agresse notre jeune couple dont on se dit qu’ils n’ont pas fait un choix de vie bien cosy. Il faut écrire que dans le genre maison inhospitalière, elle se pose là, avec son jardin défraîchi, ses toiles d’araignées et ses portes murées; son chat noir et cette petite voisine télépathe qui les regarde de travers. Théâtre splendide et baroque, concentré à lui seul de toutes les maisons hantées, il est un unique vecteur d’inquiétude, d’anormalité, de pourrissement. D’ailleurs rien ne laissera jamais entendre qu’il ne peut y exister autre chose que le mal à l’état pur.

Car c’est ce qui fait le cinéma de Fulci, ce nihilisme, cet absolu, cette noirceur. La lumière du jour y est blême, on a froid jusqu’aux os rien qu’à s’imaginer un instant dans cette contrée perdue hantée par des fantômes passés dont on ne doute pas qu’ils sont morts dans d’atroces souffrances. Chez Fulci, descendre quelques marches devient un calvaire, tout est affaire de regard, de perception faussée, de dilatation d’un temps dans le mode du cauchemar. Pas d’éclaircie, jamais. Seul l’histoire compte, et si c’est une histoire d’horreur, alors seule l’horreur compte. Dans un registre nettement moins léger et brillant que celui d’Argento, car Fulci est entré dans le gore comme on entre en religion, sans recul, tête baissée, prêt à tout sacrifier pour son entreprise mortuaire.

Alors il colle au plus près de ses personnages, de leur folie, de leurs aveuglements volontaires, de leur bêtise aussi. Fulci amplifie le réel jusqu’à le tordre, joue des ressemblances troublantes, maintient la tension en restant collé aux éléments les plus efficaces, délaissant tout le reste pour faire des films à l’aspect presque déstructuré à force d’être agrippés à leur synopsis. C’est par cet effet de loupe et un premier degré étouffant, qu’il arrive à faire de ce qui aurait pu n’être que banal, un film d’horreur malsain, brutal et choquant. Il le réussit d’autant mieux qu’il est techniquement un immense faiseur, tombé dans le gore sur le tard, au terme d’un parcours singulier qui fait l’essence même de son œuvre. A ce moment, Fulci est à son meilleur. Sa mise en scène est ultra précise, magnifique parfois, élégante toujours. Et c’est à la seule force de sa réalisation qu’il parvient à nous écœurer d’une chauve souris gorgée de sang ou d’une trachée arrachée à main nue, dilatant une dernière fois le temps pour des mises à mort sonnant comme d’interminables complaintes funéraires.

En bref : Au sommet de son art, Fulci signe une œuvre splendide, noire et poétique, avec ses fantômes du passés, ses expériences lovecraftiennes et ses meurtres sanguinaires. Focalisé sur l’efficacité, agrippé aux corps, à la chair et aux regards déboussolés d’un famille qui perd un à un tous ses repères, il nous entraîne à sa suite dans les entrailles de sa maison de cauchemar, où tout espoir se délite dans des séquences d’une cruauté d’autant plus dure qu’elle semble inéluctable. Un conte macabre, douloureux et nostalgique magnifié par une réalisation tout entière dévouée à son sujet.




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