samedi 25 février 2012

Contre-courant : The artist


Réalisation : Michel Hazanavicius

Avec : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman

Année : 2011

Pas la peine d’ergoter sur les qualités de The Artist, elles sont louées en long, en large et en travers d’une presse l’autre. Un bon film en noir et blanc, muet, avec en tête de gondole un Jean Dujardin de gala, voilà ce qu’est exactement le film de Michel Hazanavicius. Ni plus, ni moins. Et loin de nous l’envie de nier le plaisir pris lors de la projection, car The Artist est un film bien foutu, qui n’ennuie jamais, charme de par ses décors, son interprétation et son anachronisme cinéphile, là où les OSS du même Hazanavicius n’étaient qu’une succession ininterrompue de saynètes plus ou moins drôles (souvent moins) parodiant un genre plus que le copiant servilement.

Et c’est à ce moment que Frank Zito se dégage de la mêlée courtisane pour en venir aux mains. Car si The Artist peut se vivre comme le nouvel Amélie Poulain, c’est-à-dire une grosse production française qui mise tout ou presque dans une mise en forme "décalée" (si tant est que cela veuille encore dire quelque chose) en rapport aux canons de productions du moment, qui met en scène des personnages immédiatement attachants et se pose comme un film à vocation populaire mais pas putassier, il y a tout de même un monde entre ces constats d’évidence et la naissance d’un chef d’œuvre qui a failli arracher la palme d’or au dernier festival de Cannes. Car le clap de fin donné, The Artist disparaît de la mémoire, s’évapore aussi brusquement qu’un mirage en plein désert, certes agréable, mais qui n’aura jamais véritablement étanché la soif, loin s’en faut.

La faute à la nature même du film qui, au fond, n’est que l’œuvre appliquée d’un copiste. Pour sûr, tout y est accompli dans les règles de l’art, l’équilibre dramatique y est respecté, les cartons parfaitement posés, le décalque finement travaillé. On imagine le réalisateur et son équipe plongés durant des mois dans les archives pour s’y repaitre de Fairbanks, Chaplin, Lubitsch, Wilder et Lang. Et le rendu est effectivement quasi parfait. Seulement quel sens donner à tout cela ? Un sens artistique quand un tel travail d’antiquaire semble plus relever de la déférence laborieuse, voire de l’absence même de personnalité. Hazanavicius, sans aucun doute, y fait mieux que lors de ses précédents efforts, la faute, serait-on tenté de croire, à un cinéma copié de plus grande valeur, d’une plus grande exigence. Mais en soi, quelle patte apporte-t-il à tout cela ? Quelle audace à remettre le couvert de l’éternel duplicata ? Quel plaisir, au-delà de celui de la pure reconstitution méticuleuse ? Film muet fait à l’ancienne, avec les mêmes moyens de production pharaoniques, les mêmes étoiles, il est surtout une machine de guerre produite pour ce même public de masse que draguait naguère Jeunet avec son Amélie : un public unanimement enthousiaste devant l’industrie triomphante, un public de musée empoussiéré, le public rêvé de The Artist : celui qui trouve en toutes circonstances et à tout propos que c’était mieux avant…
 
En bref : Si Frank Zito, au fond, n’a pas grand-chose à dire sur The Artist, film agréable incarné par l’un des acteurs les plus plaisants du cinéma hexagonal, il a beaucoup à redire sur la démarche et la réception même du film. Car là où l’on peut se féliciter de trouver dans les salles une bobine grand public de qualité, il semble exagéré d’essayer d’en faire une œuvre hors du commun. Fac-similé soutenu par un producteur audacieux, au sens des affaires aiguisé, The Artist mérite autant les louanges qui s’abattent sur lui que la Tour Eiffel en allumettes réalisée par François Pignon. De la même manière, on peu trouver le travail impeccable, mais ici comme dans le dîner de con, cela reste une miniature qui s’essaye à représenter un monde plus grand que lui. Très bon quand même.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire