Il fallait braver des températures négatives à Cannes pour pouvoir assister à ce qui était annoncé par l’agenda culturel 06 comme un « bon moment de musique en perspective dans le cadre du Midem 2012 ». Bon, ça, ça donnait pas vraiment envie, mais on le sait, les affiches dans l’extrême Sud-est se font rare, et pouvoir toucher de près le phénomène pop-rock du moment sur la pointe du Palm Beach, à quelques encablures des îles de Lérins, ça le faisait sur le papier. Pas l’excitation folle, non, mais une vraie curiosité. L’envie d’être confronté à cette galerie de groupes à succès pas trop indigne. Verdict scolaire sous la forme la plus basique qu’il soit : thèse, antithèse, synthèse.
Thèse : Orelsan
Raelsan assomme les doigts dans le nez ceux qui étaient venus pour le voir, mais aussi un Frank surpris par l’ambiance assez éloignée de l’idée qu’ils s’était faite, celle du rappeur blanc de banlieue provinciale, qui incarnerait son propre rôle dans une certaine forme d’auto-parodie. Loin s’en faut. Très pro, il s’investit dans son set sans recul ni ironie mal placée. Aucune réserve face à un public hybride qui allait des gangstas de cour de récré jusqu’à leurs grand-mères bobos. Orelsan incarne son univers avec une belle sincérité, et ses titres parfaitement défendus prennent une belle amplitude. Le chant des sirènes, Plus rien ne m’étonne, Mauvaise idée, Changement ou Jimmy Punslhline, tour à tour monstre ou drôle, Orelsan emporte tout sur son passage, loin de la baudruche qui aurait pu exploser devant la brutalité de son exposition médiatique. Mieux, il s’en est visiblement nourri pour revenir encore plus fort. Chapeau !
Antithèse : Brigitte
Après la claque dans la gueule, on prend le temps d’aller pisser. Les lumières scintillent au dessus des chiottes en plastique de chantier. On en revient le teint cireux, tout plein de souvenir qui sentaient fort le caca, pas vraiment prêts à être confrontés à l’univers plan-plan de Brigitte, le duo surcoté qui inonde les ondes avec des titres assez quelconques dont on peut se demander à qui ils peuvent plaire. Allez, parole à Libé, pour une petite présentation : « Sylvie et Aurélie s’appellent Brigitte. Pour ce duo malin, ce prénom est suffisamment ringard pour être décalé, il est surtout celui de trois références féminines qui leur parlent : Bardot, Lahaie, Fontaine. Le portrait-robot de Brigitte donnerait donc le visage d’une bombe sexuelle au caractère bien trempé, bourrée d’autodérision. ». L'horreur !
Et justement, habité par la peur de ne pas être décalées, au risque de ne plus être que ringardes si on a bien suivi, les Brigitte déroulent leur barnum superficiel sous le chapiteau qui rappelle soudain celui du cirque Pinder. Ce qui choque le plus, ce sont évidement ces paroles qu’on imagine rédigées par une lycéenne auto satisfaite, rendue euphorique par deux bouffées d’un joint à l’eucalyptus et un verre de Jet27. L'enfer sur verbe. Bonne nouvelle pour nos clowns involontaires, le public cannois s’est vraisemblablement déplacé pour elles. Du coup, on comprend mieux la présence des vieilles dames précitées. Certainement sourdes, elles n’auront pas le bonheur de gouter les voix nasillardes du duo qui s’entremêlent dans une sorte de fuite en avant. A celle qui sera le plus crécelle. Le pompon étant l’infâme reprise de Ma benz, le tube de Brigitte qui fait saigner les oreilles. Tout y est : la fausse bonne idée, le décalage qui consacre au grand Journal et la volupté des pages lingerie de la redoute. Le temps passe tellement lentement qu’on croirait que la pendule recule. C’est la machine à remonter le temps, sauf qu’elle nous ramène toujours au début d’une chanson de Brigitte. Madame Zito s’abîme dans le fond de son verre de rouge, convaincue qu’on ne s’en sortira jamais. A vrai dire, Frank doute lui aussi. Mais heureusement, au bout du tunnel se trouve la lumière : les filles décident d’interrompre le massacre. Celle qui la joue néo-Dalida sort en se tenant les cheveux tandis que l’autre, une version Nana Mouskouri en moins charismatique, balance un « Brigitte se casse » en guise de point final. Il était temps.
Synthèse : Shaka Ponk
Mais vite on sent un truc qui cloche. Alors que l’arène sonne clairsemée, et malgré la grosse débauche d’énergie du groupe, quelque chose ne passe pas. La torgnole tant attendue vire soufflé. Les titres s’enchaînent, un peu trop parfaits, un peu trop mécaniques. Tout cela respire le support technique. Le son est fort, très fort, mais curieusement il manque de puissance, de profondeur. A dire vrai tout sonne bizarrement toc. Les images omniprésentes au cœur de la scène aimantent l’attention, donnent l’impression d’un clip qui boucle sur MTV, une distance se crée entre la scène et le spectateur. Le symbole étant l’interminable Sex ball, tenu d’une main de maitresse SM par Samaha Sam qui force tellement le trait qu’elle agace. Visuellement, on n’en peut plus de voir le singe tête à claque. Pourtant il faut féliciter le groupe, qui avance comme si de rien était. Donne tout. Mais ont-ils vraiment quelque chose à donner, au-delà de chansons sur travaillées à faire danser, le tout sur une imagerie rock parfaitement superficielle. Las, la mayonnaise ne prend pas. Le spectacle, pourtant porté au nue par la presse, ne nous permet pas de toucher au cœur de Shaka Ponk, qui finalement reste calfeutré derrière les masques qu’ils se sont composés. L’envie d’Orelsan mixée à la camelote de Brigitte. Le top, le toc et le flop.
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