Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Avec : Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston
Une fois n’est pas coutume, Frank Zito va aller dans le sens du vent en encensant Drive comme l’a fait l’intégralité de la presse spécialisée . Oui, le film de Nicolas Winding Refn est une bombe qui vous explose à la figure aussi surement que les paquets cadeaux du Stroumph farceur. D’abord parce que le réalisateur y appose sa patte, celle d’un cinéaste tout à la fois ludique et ascétique, grand public et exigeant. Et parce qu’à l’image de Quentin Tarantino, il est l’un des rares réalisateurs contemporains à pouvoir digérer avec talent un scénario ultra référentiel qui sue le septième art à tous les degrés. Ici, c’est un véritable feu d’artifice qui nous rappelle immédiatement le cinéma de Walter Hill et John Bormann, avec les grands angles d’un Michael Mann qui ne pèterait pas plus haut que son cul.
Soulignée par son incroyable BO, Drive se vit souvent comme une errance déstructurée dans un Los Angeles aérien et phantasmatique. Les décors et le paysage se font aussi rutilants que les véhicules de collection utilisés par le pilote, lui-même incarné par un Ryan Gosling iconique en diable. Taciturne, presque impénétrable, il est à lui seul l’essence du héros mythique. Incorruptible, généreux, désintéressé, classe dans un blouson qui ferait passer tout être humain normalement constitué pour un guignol, il est une ode au cinéma viril de nos années de jeunesse, un rappel à lui seul de ce que Steve McQueen pouvait représenter sur les écrans d’alors. Il semble l’homme parfait, dans toute sa virilité.
Sauf que recyclé par l’œil de Nicolas Winding Refn, et peut-être même à l’insu de son acteur principal, ce personnage quasi surnaturel, Bruce Lee des temps modernes, armé d’un bolide en lieu et place d’un nunchaku, fait curieusement peine à voir. A l'évidence c’est un pro. Avec son allumette à la bouche, à l’image du Cobra de Stallone, son air impassible, sa coupe inaltérable, il en jette, c'est sûr. Mais l’homme est seul, terriblement seul. Quasi déshumanisé. Vide aussi. Perfectionniste, obsédé par le désir de tout contrôle, il est l’enfant même du nouveau millénaire. Incapable de relation humaine, il en arrive à vivre une histoire d’amour par procuration d’un pathétique comme on en a rarement vu dans le cinéma d’action. Et de nous raconter qu’aujourd’hui les mythes inébranlables ont fait long feu, et que s’il peut défier à lui seul la mafia locale, le driver est infoutu de prendre la femme qu'il désire par la main, incapable de toute intimité. De lui n’existe qu’une forme de représentation qui, poussée à l’extrême, le désincarne au point de le vider de toute substance, de tout réel, et, dans un grand écart qui confine au génie, de tout héroïsme.
En bref : Le réalisateur de l’énorme trilogie Pusher nous livre un film quasi parfait, pétri de références aussi variées que jouissives. Drive est une splendide leçon de cinéma, justement auréolée par le prix de la mise en scène à Cannes, et qui, sous prétexte de nous la rejouer Bullit, nous croque le portrait hallucinant du héros des temps modernes, froid, beau, téméraire mais dans le même temps dépouillé de toutes les certitudes qui faisaient de ses aînés des hommes. Cocktail qui finit par lui donner les allures d’un enfant autiste qui nous rejouerait McQueen devant la caméra désenchantée de Winding Refn. La fin d’un monde. Ahurissant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire