lundi 27 février 2012

Bulle : Bakuman


Par : Tsugumi Ohba et Takeshi Obata

Histoire : Deux garçons veulent devenir mangakas, une route très difficile qui peut apporter une gloire à laquelle seule une poignée de personnes a accès. Voici l’histoire de Moritaka Mashiro, très doué pour le dessin, et d’Akito Takagi, doté d’aptitudes supérieure pour l’écriture, qui vont créer une nouvelle légende dans le monde des mangas.

Auteurs du manga à succès Death Note, Tsugumi Ohba et Takeshi Obata ont pris un virage en aiguille pour accoucher d’une singulière série à l’ambition démesurée : décrire l’arrière cuisine du métier de Mangaka dans un format dont on aurait pu croire qu’il n’intéresserait pas le public visé. Car les deux auteurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère. La mise en abime est ambitieuse, le réalisme absolu, quasi documentaire. Aucun rouage des coulisses ne nous est épargné de cet univers ultra codifié et réglementé qu’est le manga, feuilleton qui joue sa vie chaque semaine en sollicitant le vote positif des lecteurs de magazines. Compétition féroce, exigence de tous les instants, révélations loin d’être rock’roll sur un métier proche du sacerdoce, Bakuman ne nous épargne rien des réunions de rédaction, des compromissions, des échecs et du doute qui parsèment l’existence de celui qui veut se lancer dans cette carrière.

Meta-manga par excellence, Bakuman révèle en temps réel, toutes les stratégies mises en place pour survivre et se hisser au top avec une série. Au fil des épisodes, toutes les recettes utilisées prennent naturellement place dans le cadre même de leur œuvre. Plus d’action par ci, bascule vers le gag-manga par là, qu’il s’agisse de pousser sur le romantisme ou de simplifier le trait, Bakuman, révèle en permanence ses intentions. Il apparaît comme une sorte de Blob sur planche qui mute selon les intentions de vote pour grandir et être plus fort, se nourrir de ses erreurs pour avancer. Pour cela des personnages apparaissent ou sortent du jeu, des situations dramatiques sont volontairement surlignées, le suspense artificiellement gonflé, chaque semaine apportant son lot de péripéties fictives, tout en maintenant un haut niveau d’exigence documentaire.


Car lire Bakuman, c’est s’initier à vitesse grand V à tout l’univers du Shonen, à ses némus qui servent d’hypothèse de travail, ses genres extrêmement codifiés dont on comprend soudain les enjeux jusqu’alors insoupçonnés. C’est aussi l’explication brillante de la relative médiocrité de l’univers des mangas, dont les auteurs talentueux peuvent se trouver bridés par cette normalisation pour jeunes adultes, ultra calibrée, cette évolution soumise au diktat des lecteurs comme ces émissions télé à l’état sénile devant la toute puissance de l’audimat. Le risque d’aseptisation est là, à chaque page, et c’est aussi ce combat que mènent les auteurs dans Bakuman : sortir le plus possible d’une histoire d’amour bancale, à la naïveté presque stupide, pour maintenir un niveau d’exigence qui frôle l’intransigeance. On apprend tout des effets sonores, des arrières plans, du calibrage des plumes, du fait que la narration doive se faire à travers le dessin, tout en suivant cette passion un peu faible entre le héros et sa dulcinée, propre à conserver l’attention des plus jeunes, mais n’étant finalement que le décor d’un univers aux intentions beaucoup plus abouties.

En bref :  Méta-Manga qui peut servir d’introduction à cet univers que l’on pourrait trop vite croire cantonné à l’adolescence boutonneuse, Bakuman est un exercice de style proprement hallucinant. Et si, comme tous les autres mangas, il lui arrive de tirer à la ligne, cela s’avère ici toujours passionnant, car ce travers est justifié par son scénario même. Mise en abime stupéfiante, il intègre à un titre somme toute classique tellement de pastilles éclairantes qu’on se demande ce qui pourrait venir interrompre cette nouvelle légende dans le monde des mangas. Passionnant et instructif.

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