mercredi 4 avril 2012

Retour vers le futur : Iron Maiden



Le rachat d’une platine à l’heure où les vinyles semblent reprendre du poil de la bête (tout cela grâce à une industrie musicale aux abois, prête à réinvestir dans les gramophones et les mange-disques si un marché se présente ) a rendu Frank nostalgique…

C’est que ses vieilles galettes, rangées depuis des années en colonnes poussiéreuses, avaient fini par disparaître de son existence. Leurs rares contacts, en l’absence de chaîne stéréo, ne réveillaient même plus les souvenirs émerveillés de leurs achats. De cette époque où l’on allait chez le disquaire du quartier dépenser ses francs misérablement économisés sur un argent de poche immérité. Pire, le temps passant, revenir à ces redoutables années métal sur des supports dématérialisés avait comme désenchanté ces sons jadis magiques. AC/DC, Maiden, Motorhead, Priest, Anthrax, Testament, j’en passe et des Megadeth semblaient avoir définitivement perdu leur mordant. Sans râtelier, ils s’étaient liquéfiés en une bouillie d’ambiance Heavy compassée sur disque dur, aussi inodore, indolore et indigeste qu’un régime sans sel.

Cette musique, tout comme son époque, ne pouvait reprendre son sens que dans ces vieux atours. L’occasion donnée de poser à nouveau un diamant sur les 33 tours oubliés, de faire craquer leurs microsillons, de raviver leur magie. Le bruit, la fureur, les hurlements, jusqu’à la folle modernité parfois, tout revint en bloc à Zito. Plus qu’une madeleine, c’est un panettone qu’il s’est soudain farci. Haut en couleur, souvent lourd, parfois indigeste, mais additif comme à leurs premières heures. Cheveux de feux, tatouages diaboliques, ceintures militaires et bracelets à clous. Tout ce tintamarre, cette quincaillerie, lui tiraient les poils sur la nuque. Ce bordel. Assourdissant. Et soudain les souvenirs. Les vrais. Ceux qui disent quelque chose d’un temps que l’on croyait perdu à jamais.

En slip, les doigts levés vers le ciel, un rictus mauvais sur le visage, et même s’il se rend bien compte qu’il ressemble plus à Demis Roussos secoué par une indigestion plutôt qu’au metalleux  agressif qu’il fut, Zito va donc vous faire partager une vérité connue de tous il y a vingt cinq ans et dont il ne sait pas si elle a passé le millénaire. Cette vérité velue, c’est qu’à l’image d’AC/DC et sa période Bon Scott, Iron Maiden a existé avant de devenir le barnum médiéval qu’il est devenu. Et à le réécouter, Zito peut vous dire que quand même, Maiden, c’était mieux avant…

Urbain et glauque avant d'être médiévalo-toc

Il n’y a qu’à regarder Eddy « The Head ». Les pochettes des deux premiers albums, jusqu’à celles des maxis sortis à l’époque, respirent l’urgence, la brutalité, la violence même. Urbain, glauque, Eddy rôde dans les faubourg de Londres, prêt à saigner le premier bourgeois qui passe. Ca pue la révolte sociale, la haine du pouvoir en place. Eddy arrache un poster de Thatcher. Pour sûr s’il le pouvait, il lui ferait sa fête, à la rombière qui met alors le peuple à genoux. La musique est au diapason de cette révolte, brutale, sans fard aucun, elle accroche les oreilles d’une manière assez particulière, qui n’est  pas celle du Maiden d’aujourd’hui. Habitée par quelque chose de pressant, d’efficace, d’enragé.

Le chanteur, Paul Di’anno, ravagé par la drogue, apporte de fait une saveur toute spéciale à la sauce Harris. C’est le contrepoids idéal à ce maniérisme musical qui tend déjà vers une certaine forme de progressif. La voix moins puissante que celle de Bruce Dickinson, plus menaçante aussi, ancre la vierge de fer dans son époque. Les pieds solidement arrimés au bitume londonien et pas chaussé dans des éperons féeriques. On croirait qu’il va nous saigner dans une impasse pour payer sa dose. Di’anno respire le punk, il chante sale et méchant quand Bruce Dickinson pousse sa voix claire et puissante comme le commandant d’un vaisseau en partance pour un combat intergalactique. Seul ce deuxième à résisté au temps. Gesticulatoire, spectaculaire, sportif, le Maiden de Dickinson place ses tubes dans des concerts dantesques depuis des décennies. Eddy the Head est devenu une mascotte gonflable qu’on exhibe pour faire rire les enfants. Puissant, joyeux, leur Heavy métal plein d’héroic fantasy avance dans une galaxie que l’on croirait jouxter celle de Raël.

Zito l’apprécie. Mais quand même, loin du compte médiévalo-toc qui ne peut plaire qu’aux initiés, dans un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, se nichent deux pépites farcies de standards monstres, pleines d’une intensité tourmentée, qui voulait tout renverser sur son passage. Et de redécouvrir que, comme Zito, la Vierge de fer a eu une jeunesse. Et Maiden, avec les dents, c’était quand même quelque chose…


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