dimanche 15 avril 2012

Ciné : Livide


Réalisateurs : Julien Maury, Alexandre Bustillo

Avec : Chloé Coulloud, Félix Moati, Jérémy Kapone

Année : 2011

Julien Maury et Alexandre Bustillo, anciens rédacteurs de Mad Movies, nous avaient laissés sur notre faim avec leur précédent film, un A l’intérieur sale, méchant et parfois con comme la lune. Sanglant, noir jusqu’au bout des ongles, ils avaient pourtant su développer une ambiance étouffante, assez éloignée des standards hexagonaux de l’époque. Sans tomber dans les travers insupportables du film de fan boy, très proche des standards hexagonaux de l’époque... Bref, il y avait quelques raisons d’avoir envie de suivre le travail de ce duo généreux, plein de promesses, mais qui ne maîtrisait pas totalement son sujet, A l’intérieur laissant au final un arrière goût de work in progress radical et sanguinolent.

Bonne nouvelle avec Livide, les deux réalisateurs n’ont pas perdu la main. Une fois encore ils ont mis l’accent sur la qualité. Qualité de la photographie et des décors d’abord, somptueux pour un projet de cette envergure. Mais aussi qualité des effets spéciaux, une nouvelle fois bluffants. Si l’ambiance de Livide est terriblement éloignée au départ de celle d’ A l’intérieur, elle laisse, elle aussi, un goût particulier, malade, quelque chose d’abîmé qui semble être la naissance d’une patte Maury/Bustillo. Ici tout est contaminé. Le trio de branquignoles pas nets, l’infirmière psychopathe, la comateuse moisie, les petits rats chelous. Chaque plan est infecté par la mélancolie. Une forme de tristesse désespérée qui détone de la production lambda, et qui fait tout le sel de Livide.

Mauvaise nouvelle, les deux réalisateurs ne transforment pas l’essai. Plus beau, plus chiadé, plus mainstream aussi, Livide conserve beaucoup des défauts d’A l’intérieur. Une fois de plus Bustillo et Maury peinent à maintenir la tension sur la longueur du métrage. Leur film de vampires se vit comme une succession de plans d’une rare beauté au liant trop faible. D’abord la faute à une direction d’acteurs perfectible. Les dialogues, assez quelconques et pourtant très écrits, sonnent mal dans la bouche d’interprètes qui, à l’exception notable de l’excellente Catherine Jacob, n’arrivent pas à sublimer des personnages mal dessinés. Ils finissent par donner une impression accessoire, celle d’exister dans l’unique but de nous faire visiter les décors à la féerie baroque du film. A l’image de ces jeux vidéo dont vous êtes le héros, on passe d’une salle l’autre pour découvrir des animaux empaillés, un cadavre utilisé comme boîte à musique, des poupées de porcelaines vintage. Prêt à donner deux euros pour le guide, Zito se rappelle in extrémis que l’on se fout comme d’une guigne de ce qu’il va bien pouvoir lui arriver.

Rédhibitoire ? Surement pas. Des pans entiers du cinéma de genre se sont joués avec des acteurs moyens incarnant des personnages navrants. Ce qui l’est plus, c’est que la générosité de Maury/Bustillo, canalisée dans un pavillon pour A l’intérieur, les emmènent, en s’éparpillant, à perdre la principale force de leur cinéma : son caractère viscéral. Car Livide, véritable fourre-tout gothique, qui convoque aussi bien Insidious que les jeux vidéo d’horreur, le cinéma espagnol contemporain et le cinéma italien du début des années 80, oublie de coller à ses personnages. Il les abandonnent un à un dans une brocante des horreurs généreuse en bonnes idées, mais dont aucune n’est creusée sérieusement. A trop vouloir remplir le film de séquences fortes visuellement, Livide ne laisse jamais un climat s’installer. Le temps à l’épouvante de la situation d’infuser. Et de finir par ressembler plus au cinéma du surestimé Bagualero qu’à celui dont Zito pense qu’ils ont le potentiel de prendre la succession : Lucio Fulci.

En bref : Livide, malgré des qualités indéniable, déçoit un peu. D’autant que, débarrassé d’une esthétique un peu trop Hellfest et d’un scénario-valise qui à trop vouloir embrasser étreint mal, le film avait le potentiel de frapper fort. Hélas, comme pour A l’intérieur, Bustillo et Maury peinent encore à domestiquer leurs qualités visuelles au dessus de la moyenne, le film se vivant comme une expérience à courant alternatif, passant du visuellement époustouflant aux séquences fades, indignes de leur talent. Finalement, l’ambiance ne prend pas, et le soufflé fait un peu pschitt. Les deux hommes confirment tout de même leur originalité, cette capacité à échapper du corset de la vraisemblance pour basculer dans un onirisme très personnel, à la noirceur de ton et au premier degré qui rappelle parfois le poète du macabre. A suivre avec attention.

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