jeudi 29 mars 2012

Vidéo-club : Winter's Bone



 Réal : Debra Granik

Avec : Jennifer Lawrence, John Hawkes, Kevin Breznahan

Année : 2010

A l'heure où Jennifer Lawrence est en passe de devenir un phénomène de société à elle seule, l'occasion de revenir sur Winter's Bone, film à l'ambiance indé qui l'avait lancé dans le grand bain il n'y a pas si longtemps que cela.


L'histoire d'abord : A 17 ans, Ree Dolly s’occupe de son frère et de sa sœur dans une maison reculée de la forêt des Ozark, quand elle apprend que son père, fraichement sorti de prison, a disparu sans laisser de traces. Problème, il a mis la maison familiale en caution, et s’il ne se présente pas devant les juges à la date prévue, Ree et toute sa famille seront à la rue. Celle-ci se retrouve donc dans l’obligation de partir à sa recherche, dans un milieu où poser de simples questions peut entraîner la mort…

Coup de cœur de la presse spécialisée, Winter’s Bone possède toutes les qualités indies qui ont fait la réputation du festival de Sundance. Et en premier lieu ce minimalisme visuel, assumé ici à la grâce d’un décor enclavé, rural, au fond social aride et misérable, où l’on a pas assez pour manger et dont on se doute que la seule éducation reçue est celle de la trique.

Pour le coup, la réalisatrice ne lésine pas sur les détails d'ambiance, racontant un espace tellement reculé qu’il rappelle celui de la famille tronçonneuse ou de la colline à des yeux. Consanguinité, violence sourde, omerta, terrains chaotiques jonchés de cadavres de voitures, on s'y s’habille avec ce que l’on possède, ici bottes fourrées et parka militaire usées jusqu’à la corde, polaires sans âge avec motifs de sapins que l’on aurait pu voir porter il y a trente ans. Le temps stagne, croupi, avec pour seule question existentielle celle de la survie. Manger, payer les factures nécessaires, et quand on peut, acheter du foin pour nourrir un cheval famélique. Et surtout traîner devant chez soi et parcourir du regard les sous bois humides seulement éclairés par un soleil froid.

Debra Granick a la main lourde, mais réussit à passer en force. Car malgré le risque caricatural optimum, Winter’s bone reste crédible. Prouesse indispensable pour qu’on la suive dans cette zone de non-droit irrespirable sans se poser la question du réalisme. Sur ce champs de ruines absolu, seule une jeune fille aux responsabilités démesurées, de celles qui vous font vieillir bien avant l’âge, fait figure de bouffée d'oxygène. De fait, il n’y a rien d’autre qu'elle à l’écran qui ne soit vicié par l’abandon. Alors on tremble tout le long à sa suite, dans cette quête épouvantable où l’on apprend qu’il ne faut jamais demander ce qui se donne. Que le sang, aussi corrompu soit-il, est le seul lien qui peut encore faire sens. Sur un fond de country blues lancinant, Ree Dolly fait du surplace, confrontée à une galerie de protagonistes abrutis par la drogue et des décennies d’isolement, à peine capable de communiquer. Avec pour seul espoir le droit de continuer à survivre dans ce cloaque pourri...

En bref : Véritable odyssée au cœur de la consanguinité, Winter’s bone va très loin dans la description d’un monde privé de tout, figé dans ses terres reculées et sa misère sociale, comme abruti par une malédiction ancestrale. Habité par des instincts primaires, hors la loi, soumis à des règles strictes mais jamais formulées, on souffre physiquement de voir Ree s'empêtrer dans son enquête, dont le véritable objectif est de garder le peu d’humanité que son hérédité chargée lui a légué. Un film étouffant au casting incroyable, qui donne froid jusqu’aux os.

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