Réalisateur : Joe Carnahan Avec : Liam Neeson, Dallas Roberts, Frank Grillo
Année : 2012
Tout avait pourtant bien commencé. D’abord Rurik Sallé, le sémillant rédacteur de Mad Movies, qui promettait un Carnahan sobre et mortel, avec un Liam Neeson mortel, des voix off mortelles, bref un film mortel. Raison pour laquelle Frank et madame se sont aventurés dans cette histoire de tueur de loups qui survit à un crash d’avion et va devoir combattre une meute avec sa poignée de compagnons d’infortune. Il faut écrire que dans le genre enthousiasme communicatif, il se pose là Rurik Sallé. Seulement on oublie parfois qu’il se tape plus de mille films par an, et des bouses comme on n’imagine même pas qu’elles existent. Facile de comprendre que pris dans une brochette de navets, un film cohérent, avec de vrais acteurs, un peu de décor, voire même une poignée de cascades, ça lui fait un effet bœuf. Même si, dans le cas du Territoire des loups, on aurait mieux compris que ça lui fasse un effet bof.
Liam Neeson le fils des âges farouches
De fait, malgré un démarrage distrayant, où l’on découvre Liam Neeson et son environnement violent, suivit du crash, très spectaculaire, on sent qu’il y a anguille sous roche. D’abord à cause de ces flashbacks aseptisés qui expliquent par ellipse la décrépitude de John Ottway, et justifient sa présence en Alaska et son désir d’en finir avec la vie. Scène récurrente qui sent fort le pathos à deux euros, avec un côté télé novella qui ne va pas si bien que ça au grand Liam. Ensuite, autour de la carcasse fumante du vol 714 à destination d’Anchorage où les survivants se regroupent autour de notre vieux sage. Ce qui n’était qu’une intuition devient constat : Le territoire des loups c’est l’histoire d’un héros plein de bon sens, dont chaque parole est accueillie comme le verbe de Christ, sauf que l’on croirait entendre les déblatérations d’un élève de seconde qui se prend pour le fils des âges farouches. Philosophie de bazar, épanchements larmoyants au coin du feu, introspection pas vraiment top crédibilité, la bouillasse de dialogues vire risible à la grâce d’un doublage qui fait peine à entendre. Fort heureusement The Grey n’est pas un film à vocation pédagogique, mais bien un survival méchant qui pose ses protagonistes en terrain hostile. Aussi attendions-nous les loups avec impatience, car eux ne pouvaient pas souffrir de la version française.
"Nous savions dès le départ que si nous rations les loups, nous raterions le film", déclare d’ailleurs Jules Daly, l'un des producteurs du film dans le communiqué de presse, confirmant que pour obtenir des loups crédibles à l'écran, deux techniques avaient été utilisées : des marionnettes animatroniques géantes ainsi que de véritables animaux en complément. Enfin, ça c’est-ce que raconte le communiqué de presse, car Frank Zito, depuis son fauteuil, peut vous affirmer qu’ils se sont souvent laisser aller à une troisième technique, plus douteuse, celle des CGI discountés, au rendu très Twilight. A l’écran donc, Le territoire des loups pixélisé n’est pas toujours du plus bel effet. Et comme chacune de leur apparition est soulignée par des bruitages vraiment déraisonnables et que leurs attaques sont proprement illisibles, on ne peut pas vraiment dire que les loups soient le point fort du film.
Slasher animalier tendance l’Agence tous risques
De fait, de point fort, il n’y en a pas dans Le territoire des loups. Mais cette succession ininterrompue de morts violentes et de conversations viriles finit curieusement par tisser un improbable film d’on ne sort pas écœuré. D’abord, du fait de quelques scènes réussies au cœur de la forêt de ratés. Aussi et surtout, parce que l’ensemble est toujours emballé de bonne humeur. Ainsi suit-on le sourire aux lèvres, le vétéran Ottway prendre ses raccourcis douteux, faire l’apprentissage de techniques d’auto-défense qui font plus penser à Mac Gyver et L’agence tous risques qu’à JohnRambo, et finir par entraîner un à un les rares survivants à une mort certaine. Tout se déroule comme si le réalisateur lui-même, ne prenait pas tout ça au sérieux. A grands coups de punchlines connes à bouffer du foin, Joe Carnahan mène son slasher animalier avec un entrain très eighties, n’hésitant jamais à virer bis, voire Z, à la faveur de prises de décision invraisemblables, ce qui n’est pas le moins bon côté de ce film bancal qui fait plus rire que chier. Ce qui pourrait, au final, être la définition d’un film mortel.
En bref : Camera collée à l’épaisse carcasse de Liam Neeson, qui livre une performance physique, massacrée non pas par les loups, mais par un doublage français proprement immonde, Le Territoire des loups, fait plaisir à voir, avec ses prédateurs dégénérés et particulièrement pervers, ses dialogues pré-pubères qui rappellent les plus belles heures du cinéma des années quatre-vingts et ses gros bras pas futés. Jusqu’à ses bricolages à la castor junior bien désuets face à une meute de loups disproportionnés, et parfois digitalisés. Ca casse pas trois pattes à un canard, ça déclenche parfois des rires involontaires, on n’y croit pas une seconde, mais curieusement, à l’image du grand Liam et de sa bande de pieds nickelés, ça reste sympathique d’un bout à l’autre. Mortel disait Rurik ? Et pourquoi pas…
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