jeudi 28 mars 2013

Somewhere ou l'autobiographie

Réal : Sofia Coppola

Avec : Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius

Au cœur d’une zone désertique une Ferrari tourne en rond, creusant dans le sable un sillon aussi indéfinissable que le sens de sa virée circulaire. Si la métaphore est un peu lourde, elle introduit parfaitement le dernier Sofia Coppola qui s’attaque à un univers qu’elle connaît bien pour en être, celui de la vie intime des célébrités. Pour ce faire, elle met en scène Johnny Marco, un acteur qui séjourne entre deux tournages au Château Marmont, sorte de refuge californien pour errants fortunés, parenthèse cossue dans un monde de brute, où il va recevoir la visite de sa petite fille de 11 ans…

Quand la vie de star...
Somewhere nous dépeint donc l’envers du décors de la vie d’une star. Sous le regard amorphe d’un Stephen Dorff lassé, dont l’existence patine quand bien même sa carrière est au sommet, Sofia Coppola s’amuse à nous raconter des coulisses qu’elle connaît bien pour y être née. Univers ultra sexué, stripteaseuses à domicile, numéros dansants, crainte du paparazzi, suites royales, voyages en hélicoptère, room service 24/24 etc. elle observe cette bulle avec ironie, étirant les scènes en quasi plan fixe jusqu’à les vider de tout sens. Car dans les cuisines, tout est plus pathétique que dans les magazines people. La joie est feinte, voire forcée, les sourires cachent une grande médiocrité sentimentale, et si l’on peut coucher à longueur de journée avec des bimbos blondes interchangeables, on y prend finalement peu de plaisir. Sans repère, la célébrité broie les hommes sous son verni clinquant. Et Johnny Marco de sembler déconnecté, comme dépossédé de son existence propre par des volontés supérieures qu’il ne maîtrise pas.

...nous fait craquer une petite larme.
Et c’est là que Sofia Coppola fait un énorme couac narratif. Sans autres explications que ce que l’on a sous les yeux, c’est-à-dire une vie de vacances, vide de sens mais pas de jouissance, qui infantilise et ne permet pas de grandir intérieurement, elle en déduit que la star n’a pas la vie aussi belle qu’elle en a l’air. D’où les larmes de crocodiles que lâche avec difficulté en fin de bobine un Stephen Dorff que l’on n’a jamais imaginé en quête de spiritualité. Avec son physique d’action star, son regard tristounet qui sent plus les lendemains de beuverie que l’aventure intérieure, Stephen Dorff ne nous laisse pas supposer qu’il serait un autre homme sous d’autres hémisphères. Aussi sa douleur et ses difficultés nous laissent-elles totalement indifférent, pire même, finissent par nous écoeurer. Ses atermoiements passant pour un caprice de plus quand Sofia Coppola voudrait nous peindre les failles profondes de sa propre vie d’enfant gâtée, par le biais d'une Cléo dont tout laisse à penser qu'elle est épanouie. Hélas, Somewhere finit en ode aux pauvres petits people riches, et cet angle, par les temps qui courent, fait terriblement mal aux yeux.

En bref : Film qui transpire l’autobiographie, Somewhere nous conte l’histoire d’un acteur star qui depuis les balcons de Château Marmont, observe la ville réelle comme un seigneur ses dépendances, avec l’extrême indécence d’en jalouser la profondeur supposée des sentiments. Dommage, car l’aspect documentaire du film, extrêmement éclairant sur les coulisses de l’existence d’un acteur, sa solitude et sa perte de repère, est une réussite totale, là où le message "la célébrité ne fait pas le bonheur" clouté à grand renforts de non-dits lourdement signifiants finissent par en faire un film particulièrement antipathique. Raté à cause de son honnêteté même, il est finalement la preuve que chez les célébrités la vie est sacrément plus belle que celle du commun si tant est qu’on ait envie de la vivre.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire