mardi 5 mars 2013

L'étrange affaire angelica

Réalisation : Manoel de Oliveira

Avec : Pilar López de Ayala, Ricardo Trepa, Filipe Vargas

Année : 2010

L'étrange affaire Angélica.
« Film d'une richesse inouïe » (Les cahiers du cinéma), dont «la place nous manquerait pour mentionner toutes les pistes de ce beau et riche livre d'heures» (Les Inrock) qui file dans « un état de grâce torrentielle » (Libération) et prend « une place à part dans l'œuvre somptueuse que le cinéaste continue de bâtir » (Chronic’art). Chat alors ! Si ne pas tomber d’accord avec les critiques de télé 7 jours n’entraîne pas forcément de grosses de remises en questions, dans le cas de L’étrange affaire Angélica, Frank Zito en est sorti tout chose ! « Grand film testamentaire » « Ode à la vie » « Enchanteur ». Tudieu ! Fébrile, il a bien cherché partout, feuilleté en veux-tu en voilà. Et c’est dans Studio live (Studio live !) qu’il a déniché un critique qui semblait avoir vu le film avec les mêmes yeux que lui (Madame Zito aussi, mais comme pour les témoignages en justice, sa voix ne compte pas). Pas que Frank ait besoin qu’on lui tienne la main pour aller pisser, mais quand même, dans ce genre de situation, cet isolement total, ça surprend. Il n'avait pas vu ça depuis Avatar. C’est dire…

Quand la mayonnaise ne prend pas...


Alors comment aborder un film à côté duquel on est passé ? Difficile à dire, d’autant qu’il ne s’agit pas là d’une subtilité qui lui aurait échappé, subtilité sans laquelle le métrage deviendrait abscons. Du tout. L’histoire est limpide. Celle d’un photographe un tantinet neurasthénique, appelé d’urgence un soir, par une riche famille qui voudrait qu’il tire le portrait de la fille défunte. Angélica qui, sous l’objectif d’Isaac, se montre plus lumineuse et vivante que jamais. Tombé amoureux fou, il va alors perdre goût à une vie déjà morne pour se laisser envahir par son obsession pour Angélica et une mort plus joyeuse que la vie.

Sûr, il y avait de quoi faire. D’autant que Manoël de Oliveira, Zito, il l’aime plutôt bien. Et il chantait de concert avec les louangeurs de son très bon Singularités d'une jeune fille blonde, sorti l’année passée. C’est pourquoi, il ne fut pas surpris par le découpage du film en plans fixes, qui laissent respirer l’atmosphère et permettent au jeu de s’imposer. Pas plus que la photographie sombre et parfois terne ne l’ont particulièrement ému, elle collait parfaitement avec la thématique du film. Alors quoi ? L’humour, un peu daté, hors du temps, littéraire ? Là encore, pas de problème à priori. Non, il n’y a rien à faire, la mayonnaise n’avait pas pris. Pire même, Frank Zito avait été sujet à un assoupissement passager. Vous imaginez vous, s’assoupir en pleine ode à la vie !

...elle peut finir par tourner.

C’est que le film, mortifère au possible, quasi muet, après une longue exposition durant laquelle Manoel de Oliveira pose un regard interrogatif, lunaire et amusé sur la petite société qu’il décrit, patine gentiment. Pourtant, mis en confiance par la dithyrambe ambiante, on reste longtemps fasciné par la langueur, l’étrangeté du jeu, les effets spéciaux volontairement désuets. Puis, au bout d’une trentaine de minutes, l’argument de départ largement traité, l’on commence à voir le film boucler, comme samplé par un DJ grabataire qui reproduirait les mêmes scènes, les mêmes cheminements, les mêmes questions, pour étirer un titre de trois minutes et en faire un remix de sept.

Bien sûr, on comprend que l’auteur parle de lui, de sa perception du cinéma, du temps qui passe et du pied qu’il a déjà dans la tombe. Mais tout cela, c’est l’exégèse. Dans le film lui-même, il n’y a pas grand-chose. Affecté, pour ne pas écrire ampoulé, les dialogues ennuient, le spectre d’Angelica n’amuse plus à force d’apparaître sur le balcon, comme un guignol des temps modernes, les acteurs n’en finissent pas d’être préoccupés, mus par une folie décidément un peu trop douce. Et c’est dans le malaise le plus total qu’on se rend compte que cette fois ci, Manoel de Oliveira, à l’inverse de son compatriote centenaire, a échoué à faire passer une émotion vraie pour ne nous offrir qu’un conte pour personnes âgées, à la matière trop maigre pour être étirée aussi longtemps.

En bref : Plus ennuyeux que fascinant, l’étrange affaire d’Angelica lasse vite après avoir intéressé. La faute à des répétitions usantes, un synopsis rachitique et une réalisation auteurisante qui n’empêche pas le bateau de couler. Comme pour son précédent film, De Oliveira joue la carte du surréalisme daté, à la différence qu’il s’enlise ici très rapidement dans un scénario tout simplement trop maigre pour en tirer un long (très long) métrage. Affreusement poussif, il agonise pendant un heure jusqu’à un générique final qui arrive comme un soulagement. L’étrange affaire angélica se caractérise donc par une exégèse fascinante sur son auteur, sa longévité et cette façon de travailler hors d’âge, mais oublie en cours de route d’être tout simplement un film en lieu et place d’un testament. Dommage.


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