jeudi 21 mars 2013

Essential Killing





Réalisation  : Jerzy Skolimowski

Avec : Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner, Nicolai Cleve Broch


Année : 2010     Durée : 1h23    

Pays : Polonais, irlandaisfrançaisnorvégienhongrois

Essential Killing. 
Filmé au plus près de ses protagonistes à l’aide d’une caméra mobile et subjective, Jerzy Skolimowski nous entraîne dès les premiers plans dans une fuite en avant dominée par l’urgence et la survie. Soldats déchiquetés au lance roquette, arrestations musclées, interrogatoires ambiance Guantanamo, avec menottes dans le dos, tenue orange, waterboarding et sac sur la tête, il ne se passe pas un quart d’heure que nous sommes déjà passés de la chaleur désertique d’un canyon oriental au tapis neigeux et boisé des hautes montagnes américaines.

Quand le seul désir qui nous anime est survivre...
D’un univers l’autre, tout est aride, brutal, indicible. Déserté par la communication, par l’humanité même. Nous sommes collés à Mohamed, sorte de John Rambo Taliban, bousculés comme lui par les évènements, tour à tour acteurs et spectateurs, pour finir par ne plus être préoccupés que par la seule idée de conservation. Aucune explication, aucune justification, pas plus qu’un quelconque jugement. Le réalisateur s’attarde sur les instinct primaires : la peur, la faim, la soif, la fuite… Mohamed est-il coupable ou victime ? La question ne se posera jamais en ces termes. Mohamed fuit, et la seule chose qui compte, c’est le prochain pas qu’il enfoncera dans cette neige hostile.

Au-delà du bien et du mal se trouve donc un état quasi bestial, qui ne peut que déclencher l’empathie. Alors oui, Mohamed tue. Oui, il ne s’encombre pas de morale, allant jusqu‘à téter le lait maternel d’une de ses victimes pour se nourrir, déambulant dans son cauchemar, seul contre tous, avec les moyens de son bord. Et ils sont maigres face à une traque technicoïde presque froide, à base d’hélicoptères, de Hummers et d’infrarouges. Gallo finit réduit à l’état sauvage. Isolé dans l’instant présent, sans avenir et avec si peu de passé…


...et qu'on fini vaincu par la bête humaine.
Seule échappatoire, ses rêves récurrents et colorés, à la douceur étrange, tout comme cet enfer déchaîné par l’ingestion de baies rouges hallucinogènes. Devenu gibier, Vincent Gallo se métamorphose sous nos yeux avec une douleur dans le regard qui fait gémir. Aucun plaisir dans cette course poursuite déshumanisée. Vincent Gallo souffre, fait halte et souffre encore. On cherche sur son visage le moment où il lâchera l’affaire, où immanquablement il baissera les bras, incommodé par l’horreur de ses actes que l’on imagine contraire à ses croyances les plus profondes. Mais même miné par ses contradictions, les mains collées sur ses oreilles pour ne pas s’entendre hurler, il continue d’avancer, vaincu par la bête humaine, et cet instinct de survie primaire qui la domine.

En bref : Filmé avec une sécheresse qui fait écho à l’aridité des sentiments et isolé dans des décors magnifiques et hostiles, Essential Killing à tout de l’expérience conceptuelle, dominée par des acteurs impliqués comme jamais. Emmanuelle Seigner est pour une fois parfaite quand Vincent Gallo se montre monstrueux dans un rôle impossible, qui aurait pu être christique s’il n’avait pas été à ce point amoral. Non pas dans son acceptation niaise, mais bien dans celui d’une absence totale de conscience, de celle qui conduit la bête traquée à ne jamais hésiter au moment de choisir entre sa propre vie et celle d’un autre. Douloureux.


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