Réalisation : Manoel de Oliveira
Avec : Pilar López de Ayala, Ricardo Trepa, Filipe Vargas
Année : 2010
L'étrange affaire Angélica.
« Film d'une richesse inouïe » (Les cahiers du cinéma), dont «la place nous
manquerait pour mentionner toutes les pistes de ce beau et riche livre d'heures»
(Les Inrock) qui file dans « un état de grâce torrentielle » (Libération) et
prend « une place à part dans l'œuvre somptueuse que le cinéaste continue de
bâtir » (Chronic’art). Chat alors ! Si ne pas tomber d’accord avec les critiques
de télé 7 jours n’entraîne pas forcément de grosses de remises en questions,
dans le cas de L’étrange affaire Angélica, Frank Zito en est sorti tout
chose ! « Grand film testamentaire » « Ode à la vie » « Enchanteur ». Tudieu !
Fébrile, il a bien cherché partout, feuilleté en veux-tu en voilà. Et c’est dans
Studio live (Studio live !) qu’il a déniché un critique qui semblait avoir vu le
film avec les mêmes yeux que lui (Madame Zito aussi, mais comme pour les
témoignages en justice, sa voix ne compte pas). Pas que Frank ait besoin qu’on
lui tienne la main pour aller pisser, mais quand même, dans ce genre de
situation, cet isolement total, ça surprend. Il n'avait pas vu ça depuis Avatar.
C’est dire…
Quand la mayonnaise ne prend pas...
Alors comment aborder un film à côté duquel on est passé ? Difficile à dire,
d’autant qu’il ne s’agit pas là d’une subtilité qui lui aurait échappé,
subtilité sans laquelle le métrage deviendrait abscons. Du tout. L’histoire est
limpide. Celle d’un photographe un tantinet neurasthénique, appelé d’urgence un
soir, par une riche famille qui voudrait qu’il tire le portrait de la fille
défunte. Angélica qui, sous l’objectif d’Isaac, se montre plus lumineuse et
vivante que jamais. Tombé amoureux fou, il va alors perdre goût à une vie déjà
morne pour se laisser envahir par son obsession pour Angélica et une mort plus
joyeuse que la vie.
Sûr, il y avait de quoi faire. D’autant que Manoël de Oliveira, Zito, il
l’aime plutôt bien. Et il chantait de concert avec les louangeurs de son très
bon Singularités d'une jeune fille blonde, sorti l’année passée. C’est
pourquoi, il ne fut pas surpris par le découpage du film en plans fixes, qui
laissent respirer l’atmosphère et permettent au jeu de s’imposer. Pas plus que
la photographie sombre et parfois terne ne l’ont particulièrement ému, elle
collait parfaitement avec la thématique du film. Alors quoi ? L’humour, un peu
daté, hors du temps, littéraire ? Là encore, pas de problème à priori. Non, il
n’y a rien à faire, la mayonnaise n’avait pas pris. Pire même, Frank Zito avait
été sujet à un assoupissement passager. Vous imaginez vous, s’assoupir en pleine
ode à la vie !
...elle peut finir par tourner.
C’est que le film, mortifère au possible, quasi muet, après une longue
exposition durant laquelle Manoel de Oliveira pose un regard interrogatif,
lunaire et amusé sur la petite société qu’il décrit, patine gentiment. Pourtant,
mis en confiance par la dithyrambe ambiante, on reste longtemps fasciné par la
langueur, l’étrangeté du jeu, les effets spéciaux volontairement désuets. Puis,
au bout d’une trentaine de minutes, l’argument de départ largement traité, l’on
commence à voir le film boucler, comme samplé par un DJ grabataire qui
reproduirait les mêmes scènes, les mêmes cheminements, les mêmes questions, pour
étirer un titre de trois minutes et en faire un remix de sept.
Bien sûr, on comprend que l’auteur parle de lui, de sa perception du cinéma,
du temps qui passe et du pied qu’il a déjà dans la tombe. Mais tout cela, c’est
l’exégèse. Dans le film lui-même, il n’y a pas grand-chose. Affecté, pour ne pas
écrire ampoulé, les dialogues ennuient, le spectre d’Angelica n’amuse plus à
force d’apparaître sur le balcon, comme un guignol des temps modernes, les
acteurs n’en finissent pas d’être préoccupés, mus par une folie décidément un
peu trop douce. Et c’est dans le malaise le plus total qu’on se rend compte que
cette fois ci, Manoel de Oliveira,
à
l’inverse de son compatriote centenaire, a échoué à faire passer une émotion
vraie pour ne nous offrir qu’un conte pour personnes âgées, à la matière trop
maigre pour être étirée aussi longtemps.
En bref : Plus ennuyeux que fascinant, l’étrange affaire
d’Angelica lasse vite après avoir intéressé. La faute à des répétitions
usantes, un synopsis rachitique et une réalisation auteurisante qui n’empêche
pas le bateau de couler. Comme pour son précédent film, De Oliveira joue la
carte du surréalisme daté, à la différence qu’il s’enlise ici très rapidement
dans un scénario tout simplement trop maigre pour en tirer un long (très long)
métrage. Affreusement poussif, il agonise pendant un heure jusqu’à un générique
final qui arrive comme un soulagement. L’étrange affaire angélica se caractérise
donc par une exégèse fascinante sur son auteur, sa longévité et cette façon de
travailler hors d’âge, mais oublie en cours de route d’être tout simplement un
film en lieu et place d’un testament. Dommage.