Avec : Yiftach Klein, Yaara Pelzig, Michael Moshonov
Année : 2012
Le policier. Au bout d’une errance qui nous aura fait faire le tour du Var en quatre-vingts heures de bouchons, les Zito débarquent par le plus grand des hasards à Toulon et profitent de leur liberté retrouvée pour filer au Royal, seule salle de cinéma art et essai varoise, plutôt bien tenue d’ailleurs -ce qui est loin d’être toujours le cas lorsque l’on parle de salle de cinéma alternatif, nous en reparlerons un jour. Coup de bol, le policier venait de commencer. 30 secondes de retard, mais pas une minute de perdue tant le premier film de Nadav Lapid a emballé Zito.
L’histoire, découpée en plusieurs séquences plus ou moins longues, avec un personnage principal différent pour chacune, hypnotise dès le départ. Corps musclés, massages physiques, claques dans le dos, on suit le policier dans ses amitiés viriles et sa future paternité de tellement près qu’on a la sensation de le toucher. Extrêmement physique, le film déconstruit méticuleusement l’image première que l’on pourrait avoir de Yaron, beau type narcissique à l’allure basse de plafond, qui se révèle particulièrement complexe. Moralité à géométrie variable, sensualité de bête incontrôlable, relation au pouvoir ambigu. Yaron, plus que le personnage principal, est le reflet d’une société qui semble ne plus trop savoir où elle va. Attirée par les extrêmes, mais obéissante à l’ordre établi, fut-il inique. Par touches successives se dessine une histoire d’Israël méconnue. Loin des caricatures en place. Passionnante.
Une bande à Baader en peau de Malabar
Puis le récit bascule, à la faveur d’une scène d’une violence aussi étonnante que nihiliste. Place alors à un groupuscule d’illuminés motivés par la lutte des classes. Le fait même que ces révolutionnaires en peau de Malabar ne soient pas arabes, argument majeur du film, est souligné assez lourdement par le réalisateur, ce qui n’entame en rien son mérite. Car l’histoire du Policier est celle d’une nation comme les autres, qui connait une souffrance populaire grandissante, une misère nouvelle monstrueusement mise en valeur par l’opulence des plus puissants. Particulièrement bien amenée, la bande à Baader locale fait d’autant plus peur qu’elle est totalement fanatisée. Comme avec Yaron, le réalisateur, à l’image d’un vieux sage, brouille les pistes, fait monter la tension jusqu’à la rendre parfois insoutenable, en nous maintenant en permanence en alerte, en jouant en virtuose de l’ellipse, du non-dit. Pris dans son filet, on dévore des yeux cette histoire du terrorisme moderne, dont le visage, au lieu d’être barbu et grimaçant, ressemble terriblement au notre.
En bref : Si les acteurs sont époustouflants et la maitrise technique vraiment au dessus du lot, c’est le propos du film qui, s’il passe un peu au travers au moment de nous raconter l’incompréhension de Yaron devant ce nouvel ennemi qui pourrait être lui-même, emballe en se permettant de sortir de l’éternelle thématique du conflit israélo-palestinien pour raconter simplement une histoire qui se déroule en Israël. L’histoire d’hommes et de femmes prisonniers du personnage qui leur a été assigné, de leur rôle dans la société, de ce statut indépassable qui peut parfois amener à faire le contraire de ce que l’on aurait aimé accomplir. L’histoire d’un formidable malentendu. Doublée d’une histoire contemporaine de la lutte des classes. Bref, une histoire universelle. Précieuse.
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