Hyphen Hyphen, Yip receiver et Of Montréal, Triumvirat pop rock alléchant, posaient leurs valises au théâtre Lino Ventura le soir du grand débat d’entre deux tours Hollande/Sarkozy. Mauvaise nouvelle pour la fréquentation de l‘excellente salle niçoise, très faible. Bonne nouvelle pour les oreilles : même si on aurait aimé assister au flan pris en pleine tronche par notre futur/ex-président de la république, la soirée fut belle. Très belle même.
La confirmation : Hyphen Hyphen
Plus d’un an après avoir renversé ce même Théâtre Lino Ventura, retour des enfants prodiges au bercail. Adoubés depuis par les Inrocks, programmés au printemps de Bourges, on imagine la déception de retrouver le Théâtre à moitié vide. Pourtant, dans la droite ligne de ses performances précédentes, Santa, la rayonnante leader d’Hyphen Hyphen, toute en puissance, a bouffé la scène comme si sa vie en dépendait. Rageuse, elle a une nouvelle fois livré une prestation brut de décoffrage , portant à bout de chant les compositions solides de son groupe. Avec toujours ce sentiment assez rare de se poser comme une évidence au spectateur. Une certitude : Santa sera grande, avec ou sans Hyphen Hyphen. Son charisme singulier, sa personnalité hors norme et sa façon de mettre au défi, arrachent décidément tout sur son passage. Généreux et jamais dans la posture, Hyphen Hyphen s’affirme une fois de plus comme la tête de gondole électro-rock de la région. Plus qu’une révélation : une confirmation. La récréation : Yip deceiver
La suite allait s’avérer nettement moins aboutie, avec l’entrée en scène de Yip deceiver, auto-défini comme un groupe de pop expérimentale par Davey Pierce and Nicholas Dobbratz, deux des multi-instrumentalistes d’Of Montréal. Sûr que la maigre audience n’aura pas aidé, mais il faut bien avouer que l’objet ressemble à un OVNI de première bourre : duo de musiciens geeks à l’allure d’introvertis, ils donnent l’impression de jouer un incroyable fake. Celui d’une reformation de Wham à la sauce MGMT ! Les titres, plus loufoques les uns que les autres, avec leur côté "songs for love" ont l’air d’avoir été bricolées un soir de loose. Les deux larrons, en mode charlot, en font des caisses, jettent des regards latin-lovers, tapent dans la chorégraphie ringarde et amusent plus qu’ils n’enthousiasment. Après de nombreux appels de bateleurs à acheter leurs CD, des tentatives désespérées d’emballer dans le public, les deux auront vraiment donné la banane à tout le monde, dans un mode DJ branlette à Palavas les flots. Aussi sympa que barré.
L’addiction : Of montréal
Autant dire que le minimalisme de Yip deceiver ne nous aura pas préparé à la claque qui allait suivre. Car Of Montréal est venu en terre niçoise avec la grosse Bertha, et hors de question de réaliser un show au rabais pour causse de salle désertée. C’est bien simple, les Américains ont offert un spectacle au niveau de sophistication incroyable. Pour habiller leur rock psychédélique foutraque, gorgé de disco et de funk, ils ont déroulé une scène parfaitement distribuée où les musiciens jouent chacun un rôle visuel différent. L’ensemble est lié par un jeu de lumière proprement éblouissant, qui mêle l’enchantement à un côté arty vraiment magnifique. Of Montréal, c’est la classe, la grande classe. Les titres s’enchaînent, virevoltent, les sons s’emmêlent aux formes, la scène est habitée par des contorsionnistes qui tour à tour envoient des ballons géants, se transforment en plantes imaginaires, jouent les catcheurs mexicains ou les porte-étendards d‘un monde inconnu.
Toute la scénographie semble infuser la salle, et ce n’est plus Of Montréal qui se trouve au Théâtre Lino Ventura, mais bien le Théâtre qui donne la sensation d’être avalé par l’onirisme psyché du groupe. L’expérience est impressionnante. En permanence à la limite de la cohérence et de la cacophonie. Hyper créatifs, il paraît qu’ils ont l’habitude d’alterner chaque soir le choix et l’ordre de leurs morceaux. Une chance inouïe pour nous, car le rappel, gagné difficilement par un public clairsemé qui aura longuement donné de sa maigre voix, sera dantesque. Presque un quart d’heure de spectacle total sur « The past is a grotesque animal », morceau fleuve en version Dantesque. Ce n’est pas une marée, c’est un tsunami scandé par un Kevin Bacon ultra offensif. Alors sûr, on aura raté l’anaphore de François Hollande, son, « Moi, président de la république, je… », mais la progression infernale du titre, sa puissance, son immédiateté auront définitivement donné tort aux absents. Car le monde, ce mercredi soir, n’avait pas pour centre le Sarko-show et sa trainée obscurantiste, mais bien le théâtre Lino Ventura, où la tendance était multi-ethnique, multiculturelle, artistique et grandiloquente. Avec Of Montréal en maître de cérémonie. En un mot comme en cent : lumineux.
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