mardi 8 mai 2012

Fausse couche : 17 filles



Réalisatrices : Muriel Coulin, Delphine Coulin

Avec : Louise Grinberg, Juliette Darche, Roxane Duran

Année :
2011

Attention pitch fou : Dans une petite ville au bord de l’océan, 17 filles d’un même lycée prennent ensemble une décision inattendue et incompréhensible aux yeux des garçons et des adultes : elles décident de tomber enceintes en même temps ! Mieux : le film est tiré d’un fait divers américain tout à fait authentique. Mama Mia, la bombe ! Le truc de fou ! L’OVNI en atterrissage !

Ravalez vos fantasmes, le truc est en fait sage comme une image… Car les deux réalisatrices, loin de prendre ce fait divers à bout de bras, de le triturer pour en faire un film d’auteur dans son sens le plus strict, c’est-à-dire d’y apporter un angle, un goût, un engagement, quoi que ce soit qui donne une impression d’origine contrôlée, laissent cet incroyable script vivre mollement sa vie. Le casting est bon. La photographie relativement neutre. Le ton compassé. Le point de vue inexistant, aussi incroyable que cela puisse paraître. Et après être allées chercher de l’autre côté de l’Atlantique un fait divers aussi barré que celui là, les sœurs Coulin vont scolairement le normaliser, le rendre cohérent. Triste ambition qui fait perdre beaucoup de son sel à son adaptation.

De fait, ce qui crève les yeux dans leur mise en scène, c’est son caractère appliqué, convenu, formaté. Retranscrit dans la région lorientaise en lieu est place de l’univers ultra catho d’origine, Muriel et Delphine Coulin affadissent terriblement le délire par des explications sociales du plus mauvais effet. Attention spoiler : ici, nos filles veulent échapper à la misère humaine et économique d’une bourgade sinistrée. Les adultes y sont dépassés. Les hommes défaillants. Tous ont unilatéralement baissé les bras. Ils sont violents, alcooliques ou connement compréhensifs. Dans tous les cas de figure, ils se trouvent désarmés devant cet acte déraisonnable. Ils ne comprennent pas. Il n’y a qu’à voir la grotesque scène explicative, ce tour de table en salle des profs où les enjeux du film sont tristement exposés.

C’est dans cette soupe argumentaire un peu lourde que le fait divers trouve sa genèse : de cette  perte de sens et de valeur, ce défaut d’éducation et cet horizon grisâtre auquel les jeunes filles veulent échapper. L’absurdité de cette vie de merde. Les réalisatrices n’hésitent d’ailleurs pas à creuser un peu plus le sillon des platitudes douteuses en saupoudrant leur thèse d’une pincée de guerre en Afghanistan, avec le concours d’un personnage qui ne semble pas vraiment tiré d‘une histoire vraie. Relou.

Bref, 17 filles déçoit. Formellement, en étant terriblement sage, et dans son contenu même, en atténuant la subversion de cet acte fou par une démonstration propre sur elle, point de vue embourgeoisé sur une misère sociale fantasmée. Reste que les filles sont pétillantes, le film pas désagréable à suivre, mais son traitement estampillé « éducation nationale », sa dérive tranquille vers un ennui bienséant, désole. Au point que l’on se demande finalement pour quelle raison, autre que son utilisation à but lucratif, Muriel et Delphine Coulin sont allées convoquer ce fait divers, s’il ne les inspirait pas tant que cela. Au final, on a l’impression de suivre un sous-Christophe Honoré, corseté jusqu’à l’étranglement absolu, quand l’ensemble aurait mérité un traitement à sa démesure.  Et de ce prendre à rêver de ce qu’un artiste dérangé comme Takashi Miike aurait pu faire d’une telle pépite. Ne restera donc de cet acte punk qu’un film indie français terriblement fade. Autant dire pas grand-chose.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire