Réal :
Kevin Smith
Avec : John Goodman, Michael Angarano, Melissa Leo
Année : 2011
Le réalisateur du cultissime Clerks,
comédie bavarde et déjantée qui l’avait en son temps propulsé au panthéon de la
geekitude cinématographique, refait parler de lui avec Red state, un film
d’horreur sec et méchant qui fait suite à une traversée du désert jalonnée de
comédies lourdingues et dispensables. Bref, Kevin Smith revient là où personne
ne l’attendait, et la surprise est loin d’être mauvaise.
Avec un casting de rêve pour une production indépendante de ce genre. Depuis
l’aminci, mais toujours en surpoids John Goodman en haut de l’affiche, jusqu'aux second couteaux, tous sont plus justes les uns que les autres. Les gosses, la
pucelle, le prêcheur, les fidèles, le shérif, aucune fausse note à déplorer,
aucun trou là où le cinéma de genre fait souvent dans le second choix avarié. La
preuve absolue : l’incarnation habitée de Michael Parks dans le rôle du
frappadingue pasteur Cooper, leader de la Five Points Church. Hypnotique.
D’autant que Smith joue le contre-pied du genre en ciselant des textes au cordeau. La cerise sur le gâteau : un quart d’heure d’un prêche oppressant de réalisme, d’une
qualité ahurissante.
Connerie fondamentaliste et trompette du jugement dernier
Militant, Smith décode la connerie fondamentaliste de façon presque scolaire,
pour lui opposer la barbarie de la justice d’Etat, incarnée par des shérifs
incompétents et une police fédérale en mode post-11 septembre,
déresponsabilisée, cynique et expéditive. S’en dégage une ambiance nihiliste qui
n’est pas sans rappeler l’œuvre de Rob Zombie, avec ses rednecks dégénérés et
ses poulets tarés qui se tirent la bourre dans le trou du cul d’une Amérique au
bord du gouffre, tendance fin de race.
Frontal, réaliste, violent et pénétrant Red state a donc tout pour
plaire. Et l’on comprend facilement pourquoi il a glané le grand prix du dernier
festival de Sitges qui, hormis
dans le cas de l’affreux Vidocq en 2001, est plutôt une preuve de goût. Pourtant
quelque chose manque à l’œuvre de Kevin Smith. Pas le cœur ni la passion qui
crèvent l’écran, tout comme le talent et la rigueur, non. Il manque à son film
une fantaisie, quelque chose qui le sorte de l’ordinaire, le fasse surnager
quand au final, Red state reste un film d’horreur parmi les autres. Là
où Rob Zombie a apporté au genre son barnum glauquissime à l’esthétique cracra, Smith se
contente d’un didactisme un rien cynique et échoue au portes de l’excellence. La
faute à un twist final mal foutu et tristement rationnel qui le ré-étalonne
in-extrémis et lui enlève à l’arraché beaucoup de sa superbe.
En bref : Kevin Smith s’essaye avec bonheur au cinéma de
genre, déclinant l’histoire immédiate de l’Amérique contemporaine dans un
affrontement dantesque entre différentes formes de fondamentalisme. Impitoyable,
formidablement incarné, il ne manque à Red state qu’un ingrédient pour
relever l’ensemble et le porter aux nues. Hélas, à un jet de pierre de
l‘arrivée, il avale la trompette du jugement dernier dans un twist qui plombe un
film jusque là kité pour être immédiatement culte. Bad luck.
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