Réalisateur : Serge Bromberg, Ruxandra Medrea
Avec : Romy Schneider, Serge Reggiani, Bérénice Bejo
Année : 2009 Durée : 1h 34 Pays : France
Quelle fut la réaction de Serge
Bromberg quand la veuve de Georges Clouzot lui céda les 185 bobines d’essais
tournés au début des années 60 pour L’Enfer ? Quelle sensation quand,
pour la première fois, le film traversa les particules d’air pour aller
s’écraser sur la toile d’un cinéma domestique ? Que les rumeurs se sont tues
pour libérer la magie d’un tournage maudit, les bribes de ce qu’aurait dû être
un monstre avant-gardiste ? Les mains moites, sûrement, et puis l’émotion,
forte, trop forte. Et enfin le poids de la pression : comment ne pas gâcher ce
trésor en le révélant au grand public ? Et sous quelle forme ?
Quand les dieux se penchent sur un berceau
La magie du cinéma étant ce qu’elle est, il paraît incroyable que les choses se soient réellement déroulées ainsi, cinquante ans après leur tournage, un ascenseur qui reste bloqué, un Blomberg assez persuasif, qui, grâce à son amour sincère des archives et une humilité de tous les instants, arrache les droits pour utiliser ces précieuses bobines… Et cette utilisation ! Inspirée, comme habitée par son sujet, toutes les idées mises en place pour remettre de l’ordre dans ce chaos brillant semblent touchées par la grâce. Articulée autour de trois idées fortes : restituer au public un maximum d’images originales shootés par les meilleurs techniciens de l’époque, réaliser un documentaire sur le tournage lui-même et enfin colmater les trous par une interprétation en retrait des personnages de Romy Schneider et Serge Reggiani par Bérénice Bejo et Jacques Gamblin.
La magie du cinéma étant ce qu’elle est, il paraît incroyable que les choses se soient réellement déroulées ainsi, cinquante ans après leur tournage, un ascenseur qui reste bloqué, un Blomberg assez persuasif, qui, grâce à son amour sincère des archives et une humilité de tous les instants, arrache les droits pour utiliser ces précieuses bobines… Et cette utilisation ! Inspirée, comme habitée par son sujet, toutes les idées mises en place pour remettre de l’ordre dans ce chaos brillant semblent touchées par la grâce. Articulée autour de trois idées fortes : restituer au public un maximum d’images originales shootés par les meilleurs techniciens de l’époque, réaliser un documentaire sur le tournage lui-même et enfin colmater les trous par une interprétation en retrait des personnages de Romy Schneider et Serge Reggiani par Bérénice Bejo et Jacques Gamblin.
Comme dans un rêve cinéphile, tout
s’ordonne à la perfection, pas une seule fausse note ne vient gâcher ce plaisir
gourmand qui donne à chaque spectateur l’impression d’être le premier à poser
son regard sur cette pellicule datée mais à l’odeur tellement fraîche. Le
documentaire est sans défaut. Il restitue avec maestria l’incroyable tournage,
le délire et la folie qui monte, comme la température, rendant palpable la
pression qui s’exerce sur une équipe déboussolée par la démesure d’Henri Georges
Clouzot. Car l’homme qui ne veut rien de moins que révolutionner le cinéma,
s’attarde sur des essais techniques d’une audace incroyable, régente sa cour
avec la même démence que celle qui ronge Marcel Prieur, la même jalousie, la
même persécution. Reggiani claque la porte, Romy se fait plus sensuelle que
jamais, les uns sur les autres, les jours passent, étouffant dans une petite
station thermale coupée du monde.
Kaléidoscopes hypnotiques
Eberlués, on découvre petit à petit
les images couleur de ce film en noir et blanc, celle de la vision déformée par
la jalousie de Marcel Prieur, à l’incroyable beauté formelle. Ces kaléidoscopes
hypnotiques, ce train qui va pour broyer Romy nue et ligotée aux rail, ses
lèvres humides, ces couleurs, ces boissons qui coulent en cascades
interminables, ces distorsions. Les scènes sont lascives, estivales, décadentes,
instables, magnifiques. Fantasme poussé à l’extrême par un Clouzot à qui la
Columbia donne carte blanche et budget illimité après avoir vu les premiers
rushes. L’auteur veut aller loin, toujours plus loin, triture aussi bien les
sons que les images, et même les hommes, pour les amener, dans une folie
expérimentale totale, à donner tous ce qu’ils ont dans un coït optique
phénoménal. Obsédé par la performance, il perd pied avec la réalité, devient
irascible, d’une exigence insatiable. Le film avance et le mystère s’épaissit,
avec une question qui nous ronge : qu’est-ce qui a pu interrompre ce tournage,
si ce n’est pas la mort elle-même ?
En bref : Reconstruction du
tournage maudit de L’Enfer d’Henry Georges Clouzot, dans lequel le
réalisateur se voulait plus innovant et subversif que jamais, de cette genèse
d’un film qui voulait révolutionner le cinéma, Blomberg tire un chef d’œuvre
instantané. Impossible de décoller de nos rétines l’accumulation d’images
inouïes qui explosent comme ces bulles de champagnes qui pétillent sur le visage
à la beauté lascive et inquiétante de Romy Shneider. Proche de l’expérience de
l’art contemporain, le perfectionnisme maladif de Clouzot va l’emmener si loin
qu’il y risqua sa vie. Mais ce tournage avait un destin, celui de se retrouver
dans les mains d’un amoureux capable d’en extraire l’essence la plus pure et la
restituer à un public abasourdi devant un tel monument. Une des plus belles
lettres d’amour au cinéma jamais vue. Inoubliable.
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