Réalisation : Anno Saul
Avec : Mads Mikkelsen, Jessica Schwarz, Valeria Eisenbart
Année : 2010
The door.
On peut écrire sans se tromper que Die tür est passé totalement inaperçu en France. L’occasion de mesurer l’impact du festival Fantastic’Arts de Gérardmer sur le public hexagonal, The door y ayant récolté le Grand prix 2010. Successeur du Festival d’Avoriaz, dont les Prix jalonnent les grandes heures de l’histoire du cinéma fantastique des années 70-80, de Duel à Brain dead, en passant par Carrie et Blue Velvet, on ne peut que constater que Gérardmer n’aura jamais vraiment réussi à ranimer la flamme. A sa décharge, un cinéma de genre moribond, qui l’oblige à décerner des prix à des pellicules aussi dispensables que Cube, Le loup garou de Paris ou Isolation. A sa décharge aussi, des sélections parfois frileuses, souvent à côté de la plaque. Mais bon, « nouvelle décennie nouvelles règles » (Scream4©)…
Hélas, ce n’est pas The door qui va venir pimenter son palmarès affreusement mou du genou, et ce même s’il est loin d’être indigne, avec son histoire de passage secret qui permet à David, un peintre célèbre, de revenir dans le passé afin de réparer ses erreurs. Seconde chance inespérée pour un homme qui avait, cinq ans auparavant, laissé sa fille sans surveillance près de la piscine, les lacets défaits, occupée à chasser les papillons en sautillant, pour aller fricoter avec la voisine nymphomane. Evidemment la fillette à cloche pied se ramasse la bobine contre le carrelage, bascule dans l’eau et ses lacets s’emmêlent dans la bouche d’aération. Coincée au fond de la piscine, sans son pull bleu marine, elle n’est pas sauvée par un père trop occupé par son coït... Immédiatement on pense très fort à House pour le volet deuil de l’histoire, puis à L’effet papillon pour celui retour vers le passé et ses conséquences imprévisibles.
Toutefois le film d’Anno Saul se distingue de ces références par une austérité appuyée. L’ambiance est mortifère, pesante, étouffante même, parfaitement incarnée par un Mads Mikkelsen taciturne et grave, qui impose physiquement une atmosphère pathétique et désespérée, comme si la loose de son retour lui collait viscéralement à la peau. Cette tonalité spartiate compresse toute particule de vitalité et nous enfonce inéluctablement dans les sables mouvant d’un David dont on est vite certain qu’il n’en sortira pas gagnant.
Bon, Frank Zito, les mélodrames, c’est pas vraiment sa came, aussi suivait-il l’histoire d’un œil distrait quand un renversement narratif vint soudain exciter ses pupilles. Une bascule qui nous renvoie directement du côté des Body snatcher. Immédiatement le rythme s’emballe un peu, le film sortant du sillon dans lequel il semblait s’enliser pour retrouver un peu d’air frais et agréablement paranoïaque. Tournant le dos au réalisme appuyé du début, le scénario part dans tous les sens, en empruntant certains virages aussi audacieux qu‘étonnants. Mais si l’écriture virevolte, la caméra et le score restent, eux, sérieux comme des papes. Ce faisant, ils ne permettent pas à l’histoire de se libérer de l’étreinte trop corsetée d’une mise en forme et d’un choix artistique particulièrement prudents, qui, s’ils font tout le sel de la surprise centrale, finissent aussi par l’étouffer à force de platitude.
En bref : Film d’une facture posée, presque trop sage, plus familière au mélodrame qu’au fantastique, The door se démarque du commun par un parti pris qui finit par le perdre. Axé autour d’une histoire solide, bien que déjà vue, il rate l’occasion de décoller à mi-parcours, moment que choisi le scénario pour s’emballer devant une caméra qui reste impassible, une photographie qui reste terne et des acteurs incapables de changer de registre aussi radicalement. Reste un film agréable, très bien foutu et dominé par un Mads Mikkelsen en cours de starification, mais à qui il manque la fantaisie que le scénario appelait de ses vœux. Du fantastique mesuré, interdit aux moins de 16 ans uniquement parce qu’ils s’y ennuieraient, et qui finalement va comme un gant à un palmarès de Gérardmer traditionnellement prudent et incapable de s’imposer comme une évidence.
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