Auteur : Vincent Ravalec
Cantique de la racaille.
Gaston rencontre Marie Pierre en Normandie, une jeune fille à la beauté
irrésistible qui lui plait à crever. Ex-taulard qui squatte son appartement dans
un immeuble désaffecté au dessus du café Maurice, troquet de poivrot tenu par
son partenaire d’entourloupe Saïd, il se rend bien compte que pour garder un tel
canon, il va lui falloir changer de standing. S’engage une quête vers les
sommets qui ne sera pas sans embûches…
Le premier roman de Vincent Ravalec s’attache au parcours d’un marginal,
businessman à la petite semaine, réglo et romantique à sa manière, qui va être à
deux doigts de voir son rêve devenir réalité. Autoproclamé directeur d’une
société fantoche (Extramill, « parce que c’est extra et que ça tape dans le
mille » ) dont Marie Pierre est l’experte comptable, il surfe sur un sens des
affaires particulier, de celui qui transforme les presque clodos du bar Maurice
en surveillants de rue. L’écriture est jubilatoire, la description du
Paris-combine pénétrante, tout respire le vécu chez Ravalec, qui croque ses
toquards avec un amour infini et un sens de l’humour décapant.
Son tour de force est d’ailleurs de nous faire épouser le point de vue de
cette racaille émouvante, de pousser l’empathie à son maximum, tellement fort
qu’elle nous entraîne très (trop?) loin aux coté de Gaston, dont on savoure le
regard décalé sur le monde de l’entreprise et le pognon facile, sur la belle
société, ses coups bas et ses carrés VIP top top. Et nous comme lui de ne rien
voir venir quand l’auteur, au détour d’un chapitre, distille les grains de
sables qui enrayent cette réussite qu’on a à peine eu le temps de savourer.
Notre Al Capone de Paname s’embourbe soudain, perd confiance dans son mirage,
semble ne plus pouvoir échapper à l’épée Damoclès qui menace chaque page de ce
cantique qui sonne crescendo comme un requiem. Car Gaston et Marie Pierre, aussi
sincères et purs soient-ils, ne sont-ils pas marqués au fer rouge de la galère
?
En bref : Ravalec signe un livre magnifique, une ode attendrie à
destination de ces bras cassés au grand cœur, dont les actes comme l’enfer sont
pavés de bonnes intentions, et nous rappelle que si la misère est à vendre, il
n’y a jamais personne pour l’acheter.
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