mercredi 26 septembre 2012

La longue de nuit l'exorcisme


Réalisation : Lucio Fulci

Avec : Florinda Bolkan, Marc Porel, Tomás Milian

Année : 1972

La longue nuit de l'exorciste
Sous un soleil de plomb, une femme déterre un squelette humain à mains nues, inconsciente d’être suivie du regard par un enfant. Lui même trompe son ennui en tuant des lézards au lance pierre, trainassant non loin d’une ruine occupée par des putes qui soulagent des paysans vulgaires. Vous voici arrivés à Accendura, petite bourgade enclavée d’Italie du sud qu’en un plan, ou presque, Lucio Fulci vous fait appréhender mieux que le guide du routard régional. Si tant est qu’un guide de tourisme ait jamais été édité sur Accendura…

En délocalisant son Giallo, genre cinématographique traditionnellement joué dans le théâtre urbain, le Maestro renforce l’inhumanité des ses protagonistes, quasi bestiaux, dénudés de la stylisation raffinée des habituels tueurs à l’arme blanche. Loin de la flamboyance des métrages de Martino ou d’Argento, il se permet, grâce à cette délocalisation, d'appuyer lourdement là où ça fait mal. L'ambiance particulièrement malsaine, sert un scénario où se déversent toutes les tares possibles et imaginables. Femme, enfant, veau, vache et cochon sont pourris, cruels, souillés, perturbés, vicieux, abrutis, vils et superstitieux...

Galerie parfaite pour mettre en scène le drame glauque d'une série de meurtres d'enfants pour le moins impitoyables. Le casting est lui aussi parfait, avec à sa tête l’inévitable Thomas Milian dans le rôle d’un journaliste séducteur, et Florinda Bolkan, la sorcière du village dont le lynchage reste l’une des scène les plus fortes jamais tournée dans le genre. Le scénario est tourmenté à souhait, la photographie soignée comme jamais. Mais ce qui rend La longue nuit de l'exorcisme incontournable, c’est la réalisation même d’un Fulci dans une forme étincelante. Mise en scène d'une précision diabolique, travail des plans sophistiqués, mobilité absolue de la camera, il maîtrise totalement son sujet. Techniquement, on le sent au sommet. Il nous étouffe, nous indispose, imprègne la pellicule d’un épais malaise, putréfie l'atmosphère dans une ébauche évidente à la poésie macabre qui fera de lui un réalisateur à part dans le panthéon de l’horreur...

Mais n’allez pourtant pas croire qu’au-delà de l’atmosphère irrespirable de cet arrière pays perclus de superstition et de veulerie, quiconque trouve grâce aux yeux de Lucio qui, misanthrope devant l’éternel, n'oublie pas d'opposer en quelques plans les tares génétiques de la campagne à l'indifférence, au mépris et au vice d'une ville organiquement liée à Accendura par cet autoroute ultramoderne qui draine ses citadins insensibles et égoïstes vers Milan.

En bref : Avec pour théâtre un village reculé où se succèdent des crimes d’enfants sordides, Fulci tourne l’un des sommets d’un genre plus habitué à la sophistication urbaine qu’à l’ignorance rurale. Malsaine, désillusionnée et particulièrement graphique, La longue nuit de l'exorcisme fait pour ces raisons partie de ce que le réalisateur a fait de mieux, d’autant qu’il touche aux fondamentaux de son cinéma nihiliste. Désespéré par l’humanité, sa bêtise et sa barbarie, il signe un grand giallo qui résonne comme le prologue de la fin d’une espèce. Magnifique.


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