samedi 29 septembre 2012

Green hornet

Réalisation : Michel Gondry

Avec : Seth Rogen, Cameron Diaz, Jay Chou

Année : 2011

Green hornet
Un fils à papa miteux hérite à la mort de son père du Daily Sentinel, journal familial à gros tirage, en même temps que de son personnel, dont fait parti l’étonnant Kato, maître en capuccino et en arts martiaux. Désœuvrés et blasés, les deux acolytes vont chercher le grand frisson en devenant à la nuit tombée les premiers super-héros craints par les méchants mais détestés par la population qu’ils protègent…

Les premières minutes de Green Hornet laissent immédiatement présager du pire en terme d’adaptation de Comics, avec sa mise en avant écœurante de l’idéal de société vulgaire que véhicule 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 MTV et consœurs, et que l’on pourrait résumer à un trio de valeurs cardinales qui en font la clé de voûte : ignorance, gros culs et billets verts. Ces valeurs semblent trouver une niche particulièrement accueillante chez nos amis super héros milliardaires, avec comme point d’orgue l’insoutenable Iron Man. La nausée est sérieusement aggravée par le doublage qu’assure une sorte de Michel Leeb en roue libre, ce copycat de l’imitateur de sinistre mémoire nous pondant un accent chinois assez incroyable.

Mais c’est par son casting et sa persévérance que le Frelon Vert va réussir à enlever la partie. Et d’abord le casting, qui, chose rare dans ce type de méga production, est presque parfait. Depuis Cameron Diaz dont on se dit à la première apparition qu’elle n’a plus l’âge de ces conneries mais qui, en assumant à la grâce d’un retournement narratif malicieux son âge, se charge de nous renvoyer dans nos cordes. En passant par Christoph Waltz, qui après avoir incarné le pourri absolu dans Inglorious Bastard retrouve un rôle de méchant au tailleur nettement moins classe et au charisme défaillant. Hilarant. Et bien sûr, il y a les deux héros, avec d’abord le Frelon Vert, campé par le détestable mais au final attachant Seth Rogen, version ripoux de l’égocentrique show man Eddy Murphy du flic de Beverly Hills. Il prend beaucoup de place, mais avec un certain style. Last, but not the least dans le rôle du sidekick, la star asiatique Jay Chou reprend le rôle de Kato. S’il n’a peut-être pas une palette illimitée d’expressions, il colle à la perfection à l’énigme de son personnage à-tout-faire sorti de nulle part. Et pour ce qui est de donner du coup de poing, ce n’est évidement pas le dernier pour la déconne.

Vient ensuite la réalisation de Michel Gondry, qui s’efface totalement (ou presque) derrière son sujet. Pas particulièrement fan du bric-à-brac qui fonde son univers, on reste pantois devant la facilité avec laquelle il laisse sa quincaillerie au vestiaire pour offrir une réalisation mainstream plutôt en phase avec son sujet. Les rares effets de styles qu’il se permet donnent d’ailleurs raison à son effacement - que ce soit les accélérations à la Charlot assez hors-sujet, ou la formidable utilisation d’un split screen dément qui multiplie les angles de vue et découpe l’écran en autant de pastilles 3 D !- Bref, mis à part quelques plans personnels plus ou moins heureux, il s’acquitte de sa tâche avec sérieux, accompagnant un scénario plutôt réussi et moins niais qu’à l’habitude avec une humilité rare.

En bref : Plus réalistes et humanisés que dans la moyenne des Comics, nos deux blaireaux magnifiques élèvent le Frelon Vert au rang de grand spectacle de qualité. Pas plus, mais pas moins non plus. La moyenne de ces productions frôlant la débilité la plus totale, la pellicule de Gondry est à considérer comme une sacré performance. Recommandable.


vendredi 28 septembre 2012

My name is Bruce.

Réal : Bruce Campbell

Avec : Bruce Campbell, Ted Raimi, Grace Thorsen

My name is bruce.
Un fan de Bruce Campbell, un peu looser sur les bords et bien relou dans l’axe, habite un trou à rat figé dans les années quatre vingt : GoodLick, qui n’est pas s’en rappeler le comté de Hazzard du Shérif fais moi peur. A la suite d’un rancard merdique au cimetière local, il libère l’esprit maléfique de Gan-di, démon protecteur des chinois enterrés là (et accessoirement du tofu). Soucieux de réparer son erreur, Tiny va enlever Bruce Campbell afin qu’il exécute les miracles réalisés par Ash dans la saga Evil Dead. Pas sûr qu’il s’agisse d’une bonne idée…

Très rapidement, on se demande où on est tombé. Réalisation de téléfilm et ambiance Scoobidoo, couleurs criardes plutôt moche et acteurs de série Z au charisme aléatoire, My name is Bruce dégage une odeur de pâté dont il ne se défera jamais vraiment. Mais ce qui pourrait sembler un handicap vire génie dès lors que Bruce Campbell apparaît à l’écran. Car l’acteur est exactement ce qu’il va nous vendre durant ce métrage. Un homme à la côte de sympathie absolument disproportionnée chez les amateurs du genre, dont la seule présence renvoie à l’âge d’or du cinéma d’horreur, celui de la perte des complexes et du hard FM, des premières pelles, des cheveux longs et des gants à clous, celui d’Evil Dead et de Maniac Cop

Chemise hawaïenne, bide assumé et sourire dentifrice de vieux beau, Campbell ne se fait aucun cadeau, nous réinterprétant son propre rôle à la sauce décadence. Acteur de série Z minable pour qui les choses auraient bien mal tourné, il se montre aigri, sorte d’enfant gâté qui aurait tourné vinaigre. Propriétaire d’une caravane toute moisie, accompagné d’un chien à qui il dispute les gamelles, on le voit avec jubilation démonter son propre mythe en poussant le curseur du chelou à son maximum. Tour à tour il lâche des blagues graveleuses, ronfle comme un porc, boit de la pisse, se fait un shampoing au canard WC, quand il ne danse pas une bourrée grotesque ou se fait offrir des prostiputes pour son anniversaire. Si Mickey Rourke a eu son Wrestler, Bruce Campbell s’offre avec My name is Bruce une sorte de requiem en forme de retour, si ce n’est qu’en lieu et place du pathos, il préfère largement l’humour débilitant des 3 Stooges, celui là même qui le rapprochait de Sam Raimi à l’époque…

Nostalgie...
Car My name is bruce n’est rien d’autre qu’un film tourné à destination de ses fans, qui se régalent sans modération de se délire auto parodique qui bouffe à tous les râteliers. De la comédie sentimentale au film d’horreur old school, Campbell lie tout à la sauce loufoque dont il asperge chaque plan de son film. Et de nous régaler des caméos de Ted Raimi et d’Ellen Sandweiss qui semblent n’avoir pas vieilli, cabotinant leur second rôle avec la même fraicheur qu’il y a trente ans, quand ils étaient étudiants en cinéma et qu’ils tournaient le week-end un Evil Dead dont personne n’aurait pu imaginer le succès.

En bref : Tourné sur le mode du rire communicatif, Bruce Campbell délivre une farce grotesque dont il est la principale victime, et tourne le rôle de sa vie avec un sens de l’humour potache qui transpire la bonne humeur plus que la nostalgie. Au final, il y a ceux à qui My name is Bruce s’adresse et les autres. La mauvaise nouvelle pour les autres, c’est qu’ils sont voués à mourir lentement d’un cancer de l’anus. La bonne pour nous, c’est que les fans de Bruce sont comme leur idole, dotés d’un cœur pur pour l’éternité. Clanique.

jeudi 27 septembre 2012

Les yeux de julia

Réalisation : Guillem Morales

Avec : Belén Rueda, Lluis Homar, Julia Gutiérrez Caba

Année : 2010

Les yeux de Julia
Julia refuse de croire au suicide de sa sœur jumelle, victime comme elle d’une maladie oculaire dégénérative. Elle va donc mener l’enquête alors que la vue commence à lui échapper. Film d’épouvante espagnol, qui s’inscrit dans la droite lignée de la nouvelle vague ibérique, Les yeux de Julia possède les atouts et les imperfections de sa génération. Commençons , une fois n’est pas coutume, par les imperfections.

Avec en premier lieu l’épouvantable Belén Rueda, filmée avec un désir évident par Guillem Morales visiblement sous le charme. Elle incarne Julia, desperate housewife atomique, femme au crépuscule de sa jeunesse, avec une intensité qui fait plaisir à voir. Surjouant à l’excès, elle est hilarante lors de scènes de tâtonnements à l’aveugle inoubliables où pas un bibelot n’échappe à sa furia -et des bibelots il y a !-. Comme son personnage, elle renverse tout sur son passage... Le reste du casting est plutôt au diapason, apportant beaucoup à l’atmosphère grand guignol du film. De même que les dialogues, boursouflés et parfois involontairement ridicules, ramènent (trop) souvent l’ambiance au niveau d’une télénovelas huppée.

Pourtant, si l’on ne sort pas de la salle en se prenant la tête à deux mains, c’est parce que le réalisateur est aussi capable de fulgurances particulièrement réussies. Disciple évident de Dario Argento, il pousse le vice jusqu’à rejouer plusieurs pan de l’histoire du cinéaste transalpin avec un certain talent. L’utilisation du postulat de base -certains voient, d’autres pas- est exploité avec bonheur dans des scènes mêlant voyant et non-voyant particulièrement saisissantes. A la grâce de ces différents statuts de perception, et même s’il s’emmêle parfois les pinceaux dans la conduite de son giallo, Guillem Morales réussit des scènes ludiques, nerveuses même, qui sauvent le film de l’échec total.

En bref : Un film en forme de grand huit, avec des points de réalisation flamboyants, entrecoupés de plongées assez longues dans des abîmes de médiocrité. Amputé d’une grosse trentaine de minutes, les yeux de Julia aurait put être un grand film. Il reste très fréquentable quand même.



mercredi 26 septembre 2012

Tron legacy


Réalisation : Joseph Kosinski

Avec : Jeff Bridges, Garrett Hedlund, Olivia Wilde

Année : 2010

Musique : Daft punk

Tron Legacy.
Entamons cette chronique par un coup de gueule. Il devient difficilement supportable de subir les leçons de morales narratives de projets, qui émanent de structures elles-même symboliques de ce qu’elles semblent dénoncer. Explications : Tron s’ouvre sur la réunion annuelle du comité directeur d’Epcom, société éditrice de logiciels informatiques, dont le cynisme est vivement désapprouvé. En effet, le PDG est une personne cupide, qui n’hésite pas à vendre une franchise qui n’a de novateur que le nom quand de son côté le jeune héritier de Flynn, riche à millions, s’est détourné de l’entreprise pour devenir un adolescent attardé trop cool qui vit ses rêves de beauf dans un entrepôt faussement minable. Actionnaire majoritaire d’Epcom, il préfère s’introduire en douce dans son entreprise pour faire dérailler le discours du méchant PDG et offrir au monde la gratuité d’un logiciel, dans une ambiance libertaire assumée. Sauf que venant d’une entreprise comme Disney, en pointe dans la lutte contre le piratage, peu soucieuse du bien être de ses salariés de base et à la direction largement aussi cynique que celle du comité directeur d’Epcom, la dénonciation morale coince un peu.

D’autant que passé cette première couleuvre, avalée avec difficulté, il faut tenir la trentaine de minutes qui suit, plutôt médiocre. Notre jeune héros au charisme aléatoire nous embarque à sa suite dans une aventure qui ressemble furieusement à Fast and furious. Grosses cylindrées, enfilades de cascades abracadabrantesques, humour estampillé Vin Diesel, Tron ressemble alors à un film d’action technoïde bourrin, réussi dans son genre, mais dont le genre n’est pas une réussite. Bref, ajouté au prix d’or acquitté à l’entrée, justifié par une salle Imax 3D comme toujours superflue, l’affaire était mal engagée.


C’est alors qu’apparaît Jeff Bridges. Gourou de la Grille, concepteur retenu dans Tron depuis 25 ans. Il réussit véritablement à nous faire passer une émotion absente depuis le début, parce qu’aussi superficielle que ces personnages synthétiques et son jeune héros insipide. Vieilli, magnifié dans une toge blanche, les traits tirés, il incarne à lui seul l’abandon de cette plateforme de jeu crépusculaire au ciel obscur, seulement illuminé par d’incessants éclairs de tonnerre. Humain jusqu’au bout des ongles, la vielle bête donne le contrepoids qui manquait jusqu’alors à Tron. Une épaisseur qui enfin équilibre le film, qui sort de l’ornière du simple action movie pour devenir une fable à la dimension de ce que l’on était en droit d’attendre.

Dès lors, tout fonctionne parfaitement. Les jeux de plateforme prennent sens, on suit avec intérêt ce monde des programmes qui a vaincu la tyrannie des concepteurs. L’univers plastiquement splendide prend le temps d’être admiré, jusqu’au double digital, Clu, qui impressionne de par l’incroyable prouesse qu’il incarne ainsi que ses limites. Car si nous voyons effectivement Jeff Briges jeune jouer le rôle de Clu, et ce dans la longueur, ça ne colle pas vraiment. La motion capture restant assez synthétique pour créer un effet d’étrangeté particulièrement saisissant. Et puis bien sûr il y a l’electro de Daft Punk, dont on finit par ne plus savoir lequel des deux apporte le plus à l’autre, le groupe ou le film. Véritable coup de génie, ils incarnent Tron Legacy au point d’en être indissociables, leur univers se fondant complètement au concept du métrage.

En bref : Même si Tron Legacy comporte des éléments qui suscitent l’agacement parfois, et des réserves morales souvent, elles le sont pour des raisons qui échappent au film lui-même. Car la séquelle de Tron, film dont on oublie aujourd’hui qu’il n’a de culte que le nom, et dont le succès n’était assis que sur son aspect technique, dépasse finalement de beaucoup l’original avec un scénario très bien mené, un Jeff Bridges dont la maturité enrichit à elle seule tout le film et des décors rétro-futuristes magnifiques. Tron se payant même le luxe d’être aérien à la grâce d’une partition électro de toute beauté. Une bonne surprise.


La longue de nuit l'exorcisme


Réalisation : Lucio Fulci

Avec : Florinda Bolkan, Marc Porel, Tomás Milian

Année : 1972

La longue nuit de l'exorciste
Sous un soleil de plomb, une femme déterre un squelette humain à mains nues, inconsciente d’être suivie du regard par un enfant. Lui même trompe son ennui en tuant des lézards au lance pierre, trainassant non loin d’une ruine occupée par des putes qui soulagent des paysans vulgaires. Vous voici arrivés à Accendura, petite bourgade enclavée d’Italie du sud qu’en un plan, ou presque, Lucio Fulci vous fait appréhender mieux que le guide du routard régional. Si tant est qu’un guide de tourisme ait jamais été édité sur Accendura…

En délocalisant son Giallo, genre cinématographique traditionnellement joué dans le théâtre urbain, le Maestro renforce l’inhumanité des ses protagonistes, quasi bestiaux, dénudés de la stylisation raffinée des habituels tueurs à l’arme blanche. Loin de la flamboyance des métrages de Martino ou d’Argento, il se permet, grâce à cette délocalisation, d'appuyer lourdement là où ça fait mal. L'ambiance particulièrement malsaine, sert un scénario où se déversent toutes les tares possibles et imaginables. Femme, enfant, veau, vache et cochon sont pourris, cruels, souillés, perturbés, vicieux, abrutis, vils et superstitieux...

Galerie parfaite pour mettre en scène le drame glauque d'une série de meurtres d'enfants pour le moins impitoyables. Le casting est lui aussi parfait, avec à sa tête l’inévitable Thomas Milian dans le rôle d’un journaliste séducteur, et Florinda Bolkan, la sorcière du village dont le lynchage reste l’une des scène les plus fortes jamais tournée dans le genre. Le scénario est tourmenté à souhait, la photographie soignée comme jamais. Mais ce qui rend La longue nuit de l'exorcisme incontournable, c’est la réalisation même d’un Fulci dans une forme étincelante. Mise en scène d'une précision diabolique, travail des plans sophistiqués, mobilité absolue de la camera, il maîtrise totalement son sujet. Techniquement, on le sent au sommet. Il nous étouffe, nous indispose, imprègne la pellicule d’un épais malaise, putréfie l'atmosphère dans une ébauche évidente à la poésie macabre qui fera de lui un réalisateur à part dans le panthéon de l’horreur...

Mais n’allez pourtant pas croire qu’au-delà de l’atmosphère irrespirable de cet arrière pays perclus de superstition et de veulerie, quiconque trouve grâce aux yeux de Lucio qui, misanthrope devant l’éternel, n'oublie pas d'opposer en quelques plans les tares génétiques de la campagne à l'indifférence, au mépris et au vice d'une ville organiquement liée à Accendura par cet autoroute ultramoderne qui draine ses citadins insensibles et égoïstes vers Milan.

En bref : Avec pour théâtre un village reculé où se succèdent des crimes d’enfants sordides, Fulci tourne l’un des sommets d’un genre plus habitué à la sophistication urbaine qu’à l’ignorance rurale. Malsaine, désillusionnée et particulièrement graphique, La longue nuit de l'exorcisme fait pour ces raisons partie de ce que le réalisateur a fait de mieux, d’autant qu’il touche aux fondamentaux de son cinéma nihiliste. Désespéré par l’humanité, sa bêtise et sa barbarie, il signe un grand giallo qui résonne comme le prologue de la fin d’une espèce. Magnifique.