jeudi 25 avril 2013

Breathless

Realisation : Yang Ik-joon 

Avec : Ik-joon Yang, Kkobbi Kim, Hwan Lee

Année : 2010       Durée : 2h10       Pays : Sud-Coréen

Breathless, c’est l’histoire de Sang-hon , un recouvreur de dettes à la sauce coréene, du genre à cogner avant de réclamer le blé, qui met tout son cœur à son ouvrage. Ultra violent, il va jusqu’à s’en prendre quotidiennement à ses propres collaborateurs. Jusqu’au jour où il croise Yeon-hee, une jeune lycéenne au caractère fort et à l’histoire assez proche de la sienne. Cette rencontre entre deux abîmés va les emmener à porter un regard neuf sur leur existence, et allumer l’espoir d’un avenir meilleur. Mais les choses ne sont parfois pas aussi simples qu’on voudrait qu’elles le soient…

Ik-joon Yang, avec Breathless, se place dans la mouvance du cinéma sud-coréen contemporain, celui qui nous a offert les bobines les plus intéressantes de la décennie passée, avec entre autres les bombes de Chan-Wook Park (Old Boy) d’Hong-jin Na (The Chaser) ou Bong Joon-ho (Mother), j’en passe et des meilleurs. Véritable homme à tout faire, le réalisateur est aussi l’initiateur du projet, son scénariste et son acteur principal, appelant une comparaison d’évidence avec le Takeshi Kitano période Kikujiro ou Aniki. On sent d’ailleurs l’influence du japonais partout dans ce festival de tartes dans la gueules et d’humeur renfrognée. Filiation glorieuse, d’autant que Breathless ne souffre à aucun moment de la comparaison.

D’abord en développant un rapport tout à fait particulier à la violence, tour à tour brutale, désinvolte ou cocasse, elle est avant tout un moyen comme un autre de communiquer quand on a plus les mots. C’est pourquoi les étudiants inoffensifs sont bastonnés, les enfants sont bastonnés, les vielles sont bastonnées. S’il avait un marteau, nul doute qu’il cognerait son père, sa mère, ses frères et ses sœurs… Sauf que loin de le rendre heureux, la violence de Sang-hon le comprime toujours plus, l’empêche de respirer. La faute originelle, indépassable, le fixe dans un état que seule la barbarie permet de relâcher un temps. Comme le sifflet d’une cocotte minute, elle libère ce qu’il faut d’air comprimé pour qu’il n’explose pas, mais il boue toujours à l’intérieur.

Pour mettre en image l’aridité des sentiments, la haine qui, comme un venin, paralyse le système respiratoire et atrophie le cœur, Ik-june Yang s’appuie sur un scénario à la qualité toute sud coréene. Extrêmement bien écrit, il pose ses scènes sans prendre le spectateur par la main, laissant croire au hasard de la vie quand les pièges un à un se referment sur les protagonistes. Si l’on rit beaucoup à suivre cette tête de cochon qui fume, rote, se gratte les burnes et cogne sur ses collègues, on sent bien, alors que l’intrigue se déroule et que le drame prend la forme d’un polar, que le divertissement n’est que façade. Que derrière les sourires affichés et l’urbanité se cache des secrets inavouables. Et sans même les appréhender dans toute leur complexité, la force tranquille du destin, le déterminisme s’insinue sournoisement dans nos veines pour mieux nous comprimer le thorax.

Au plus on avance dans Breathless, au plus on a l’impression de s’enfoncer, plus le rire s‘éteint pour n‘être que grimace. Pourtant l’envie de croire à des lendemains qui chantent est forte. Derrière la brutalité, les cœurs sont grands, mais la démonstration nous fait l’effet inverse. Terriblement anxiogène, elle nous apprend ce que c’est que d’être à bout de souffle, d’avoir soudain envie de crier pour que les cartes du destin soient redistribuées, fantasme d’enfant qui veut croire en sa bonne étoile. D’abord comédie, Breathless se fait donc touchant, puis attendrissant, joue la carte des sentiments contradictoires, change brutalement d’humeur et de ton pour mieux nous frapper au cœur avec ses fulgurances émouvantes. Un exercice de style brillant.

En bref : S’il n’aurait pu être qu’un film parmi tant d’autre né de l’incroyable industrie coréenne, Breathless, avec son côté Kitano et son scénario diabolique, porte en lui le sceau de la grâce. En ne mettant en scène que des êtres forts et dignes, dont il nous fait pénétrer l’intimité hantée par la violence, il nous amène à comprendre la profondeur abyssale des fêlures crées par le poids de drames familiaux que l’éducation du silence ne permet pas de dépasser. Et si la violence appelle toujours la violence, si les hommes sont fragiles au moment d’être confrontés à leurs responsabilité, on se force à croire que l’on échappera à l’inévitable extraction lacrymale qui ponctue la vie aussi bien que les plus grands films. A couper le souffle.



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