Realisation : Yang Ik-joon
Avec : Ik-joon Yang, Kkobbi
Kim, Hwan Lee
Année : 2010 Durée : 2h10 Pays : Sud-Coréen
Breathless, c’est l’histoire de
Sang-hon , un recouvreur de dettes à la sauce coréene, du genre à cogner avant
de réclamer le blé, qui met tout son cœur à son ouvrage. Ultra violent, il va
jusqu’à s’en prendre quotidiennement à ses propres collaborateurs. Jusqu’au jour
où il croise Yeon-hee, une jeune lycéenne au caractère fort et à l’histoire
assez proche de la sienne. Cette rencontre entre deux abîmés va les emmener à
porter un regard neuf sur leur existence, et allumer l’espoir d’un avenir
meilleur. Mais les choses ne sont parfois pas aussi simples qu’on voudrait
qu’elles le soient…
Ik-joon Yang, avec
Breathless, se place dans la mouvance du cinéma sud-coréen
contemporain, celui qui nous a offert les bobines les plus intéressantes de la
décennie passée, avec entre autres les bombes de Chan-Wook Park (Old Boy) d’Hong-jin Na (The Chaser) ou Bong Joon-ho
(Mother), j’en passe et des meilleurs. Véritable homme à tout faire, le
réalisateur est aussi l’initiateur du projet, son scénariste et son acteur
principal, appelant une comparaison d’évidence avec le Takeshi Kitano période
Kikujiro ou Aniki. On sent d’ailleurs l’influence du japonais
partout dans ce festival de tartes dans la gueules et d’humeur renfrognée.
Filiation glorieuse, d’autant que Breathless ne souffre à aucun moment
de la comparaison.
D’abord en développant un rapport
tout à fait particulier à la violence, tour à tour brutale, désinvolte ou
cocasse, elle est avant tout un moyen comme un autre de communiquer quand on a
plus les mots. C’est pourquoi les étudiants inoffensifs sont bastonnés, les
enfants sont bastonnés, les vielles sont bastonnées. S’il avait un marteau, nul
doute qu’il cognerait son père, sa mère, ses frères et ses sœurs… Sauf que loin
de le rendre heureux, la violence de Sang-hon le comprime toujours plus,
l’empêche de respirer. La faute originelle, indépassable, le fixe dans un état
que seule la barbarie permet de relâcher un temps. Comme le sifflet d’une
cocotte minute, elle libère ce qu’il faut d’air comprimé pour qu’il n’explose
pas, mais il boue toujours à l’intérieur.
Pour mettre en image l’aridité des
sentiments, la haine qui, comme un venin, paralyse le système respiratoire et
atrophie le cœur, Ik-june Yang s’appuie sur un scénario à la qualité toute sud
coréene. Extrêmement bien écrit, il pose ses scènes sans prendre le spectateur
par la main, laissant croire au hasard de la vie quand les pièges un à un se
referment sur les protagonistes. Si l’on rit beaucoup à suivre cette tête de
cochon qui fume, rote, se gratte les burnes et cogne sur ses collègues, on sent
bien, alors que l’intrigue se déroule et que le drame prend la forme d’un polar,
que le divertissement n’est que façade. Que derrière les sourires affichés et
l’urbanité se cache des secrets inavouables. Et sans même les appréhender dans
toute leur complexité, la force tranquille du destin, le déterminisme s’insinue
sournoisement dans nos veines pour mieux nous comprimer le
thorax.
Au plus on avance dans
Breathless, au plus on a l’impression de s’enfoncer, plus le rire
s‘éteint pour n‘être que grimace. Pourtant l’envie de croire à des lendemains
qui chantent est forte. Derrière la brutalité, les cœurs sont grands, mais la
démonstration nous fait l’effet inverse. Terriblement anxiogène, elle nous
apprend ce que c’est que d’être à bout de souffle, d’avoir soudain envie de
crier pour que les cartes du destin soient redistribuées, fantasme d’enfant qui
veut croire en sa bonne étoile. D’abord comédie, Breathless se fait
donc touchant, puis attendrissant, joue la carte des sentiments contradictoires,
change brutalement d’humeur et de ton pour mieux nous frapper au cœur avec ses
fulgurances émouvantes. Un exercice de style brillant.
En bref : S’il
n’aurait pu être qu’un film parmi tant d’autre né de l’incroyable industrie
coréenne, Breathless, avec son côté Kitano et son scénario diabolique,
porte en lui le sceau de la grâce. En ne mettant en scène que des êtres forts et
dignes, dont il nous fait pénétrer l’intimité hantée par la violence, il nous
amène à comprendre la profondeur abyssale des fêlures crées par le poids de
drames familiaux que l’éducation du silence ne permet pas de dépasser. Et si la
violence appelle toujours la violence, si les hommes sont fragiles au moment
d’être confrontés à leurs responsabilité, on se force à croire que l’on
échappera à l’inévitable extraction lacrymale qui ponctue la vie aussi bien que
les plus grands films. A couper le souffle.
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