samedi 17 mars 2012

Sortie DVD : Louise Wimmer


Réal : Cyril Mennegun

Avec : Corinne Masiero, Jérôme Kircher, Anne Benoit
 

Attention baudruche ! Rarement film n’aura été aussi éloigné de ce qu’il était censé représenter : l’image fidèle de la précarité sociale contemporaine à travers le parcours compliqué de Louise Wimmer, quinqua qui survit dans sa voiture, avec pour seuls revenus un emploi de femme de chambre à temps partiel et de rares ménages chez des particuliers. Angle du film : nous faire découvrir une femme tellement dans le dur qu’elle se refuse à sourire à la vie, à s’abaisser au remerciement facile, à être considérée comme en détresse. Louise, se démerde seule, envers et contre tous. Véritable porte de prison qui ne fond en larmes que lorsqu’elle conduit ou qu’elle a un verre dans le nez (ce qui arrive plus souvent qu‘on ne le voudrait), elle espère qu’un appartement se libère. En attendant c’est la guerre. Et pas question de lacher quoi que ce soit. Et surtout pas une thune, nous en reparlerons plus tard…

Poncifs à tous les étages et dignité à géométrie variable

Si vous avez aimé Le quai de Ouistreham, dont le film semble être l’adaptation involontaire, vous adorerez Louise Wimmer. Univers âpre, vérité choc, chronique implacable, Cyril Mennegun, auréolé d’un passé de documentariste sociétal, use visuellement d’une technique sobre et intrusive. Caméra collée à son personnage, il ne nous épargne rien de cette lutte contre la déchéance, de cette déclassification brutale, et du lot de cruauté qu’elles véhiculent. Jusque là, rien d’anormal. Sauf que rapidement, le film dévisse, comme perturbé par un grain de sable. Loin de respirer le cinéma vérité, il semble prendre les pires tangentes du cinéma social le plus caricatural. Et d’abord de par son scénario, vu comme malin par l’ensemble de la profession quand il est simplement fuyant. Du passé de Louise, on ne comprend pas grand chose, si ce n’est que sa vie a basculé à la suite d’une séparation d’avec un homme qui devait certainement l’entretenir. L’homme a de l’argent. Il est prêt à l’aider. Mais Louise en veut pas de son aide. Pas plus que de celle de son amant, avec qui elle couche comme une bête, dans une véritable purge physique qui sent grave l‘acte non simulé. Lui aussi a de l’argent. Il pourrait l’héberger. Mais Louise, elle en veut pas non plus de son pognon. Et puis il y a sa fille. Elle est bien mise. Elle vient de se marier. Nul doute qu’elle pourrait l’héberger quelques temps. Mais vous l‘aurez compris, Louise, elle est trop digne pour être aidée. Pas son truc. Alors après une accolade malhabile, elle la laisse filer, sa fille.

Alors quoi, pour une presque marginale, elle fait la fine bouche Louise. Et justement, c’est ça le cœur du film : Louise Wimmer a bien le droit de ne rien demander à personne. Elle a bien le droit de cacher sa déchéance, quand bien même tout le monde dans le film s’en rend compte. Sauf que comme dans tout conte social digne de ce nom, Louise, elle tend parfois la main. Vers son patron d’abord, qui est parfaitement ignoble. Il l’engueule quand elle arrive en retard. Lui refuse un temps plein. Et pour ce qui est d’une avance elle pourra toujours courir, Louise. De toute façon, elle s’en fout. Elle bosse mal, n’est pas motivée et pique tout ce qu’elle peut dans l’hôtel. Dans l’enfer de la précarité, c’est ni Dieu ni maître pour Louise. Alors son con de patron, elle lui crache à la gueule.

Pour une poignée de poils sous les bras

On résume : pleins de gens peuvent l’héberger, elle a une haute estime d’elle-même. Elle est dure au mal et dégueule son patron. Elle s’assume, Louise. Enfin bon, jusqu’à un certain point. Parce que l’Etat pourrait quand même bien faire quelque chose pour elle, non ? Et bien croyez le ou non, ce n’est pas aussi simple. Son assistante sociale se fait attendre pour sa demande d’appartement. Comme quoi il y aurait des personnes prioritaires sur elle… des gens plus dans la galère, sans famille aisée, sans emploi, qui sait ? Alors ça Louise, ça la rend marteau, et c’est vrai que l’assistante sociale, on voit qu’elle a un peu honte de cette fin de non recevoir (Heureusement, elle sera remplacée en cours de route par une jeune humaniste qui s’empressera de rayer des listes les familles prioritaires pour caser la déchirante et droite dans ses bottes, Louise Wimmer)

Bon, jusque là, Louise Wimmer aurait pu n’être qu’un énième film sans saveur (réalisation plate, bien éloignée de l’uppercut filmique qu’était Rosetta en son temps) et un peu bancal sur une réalité sociale tellement dénaturée qu’elle en devient comique, mais non, il faut que Mennegun en remette une louche. Car Louise a du pognon. Zito estime son solde mensuel à au moins 700 euros par mois net. Vous le verrez, le calcul des dépenses, lui, sera encore plus simple à poser. Simple, car notre sympathique héroïne ne lâche rien. Pas de loyer, pas de frais de bouche (digne, elle se fait rincer au PMU toute la sainte journée, et a une ardoise qu’elle esquive avec une élégance rare), elle siphonne son gasoil à même les réservoirs de poids-lourds sur les aires de parking. Elle s’habille avec ses vielles fringues. Et bien sûr, elle ne s’épile pas. D’ailleurs, elle le montre à presque chaque plan. Il faut écrire ici que Corinne Masiero joue toute la crédibilité de son personnage sur l’incroyable touffe qu’elle exhibe en levant les bras dès que l’occasion lui est donnée. Louise Wimmer ne paye pas la bouffe, mais fond comme un vautour sur les légumes à volonté de Flunch. Elle pique le déodorant. Pique la flotte. Pique le vin. Pique tout, mais vend pour plusieurs centaines d’euros de fringues, bijoux et foulards hermès. C’est bien simple, dans la vraie vie, elle aurait fait fortune en suivant ce régime sec.

Top crédibilité et Tchétchénie

Aussi finit-on par avoir la gerbe à force de suivre cette femme récipient, garnie de morceaux de précarité surement réels mais qui, sur une seule personne virent grotesque. A dire vrai, on a l’impression que même en Tchétchénie, elle serait pas crédible, Louise Wimmer. Le sommet de l’odieux étant peut-être atteint par cette volonté de ne plus montrer les autres, ceux du capital, les patrons, les mieux lotis, les créanciers, dont les visages sont au fil du film de moins en moins montrés, dans un déni total d’humanité, pour mieux s’attarder sur les traits profondément chaleureux de nos braves piliers de bars qui animent la vie d’un PMU vivant et joyeux, populaire et sincère, comme le sont les pauvres gens. Ceux la même que Cyril Mennegun regarde de tellement loin qu’il n’en voit qu’une grossière caricature. Caricature qui fait de son film une farce misérabiliste, hautaine et déplacée.

En bref : Louise Wimmer est donc l’antithèse que ce qui est dit de lui : au lieu de la dignité que l’on voudrait y trouver, on n’y rencontre que méchanceté, laideur et caricature. Factuellement, le film finit par faire rire, avec sa Louise limite cleptomane, qui ne touche pas à son salaire pour mieux voler jusqu’à ces amis les plus proches, avec l’assentiment concerné d’un réalisateur qui ne semble pas vraiment avoir côtoyé la pauvreté. Incarné par une Corinne Masiero en roue libre, qui nous la joue Actor studio, avec moumoute sous les bras, rictus contracté et danse de mongole, tout transpire la parodie, la vision d’en haut et le pathos involontaire. Artificiel et déconnecté du réel, Louise Wimmer crève du grand écart entre la façon dont il est perçu et sa vérité : un cinéma social qui dénature une réalité difficile pour en rajouter toujours une louche de plus. Insultant pour les précaires qu‘il est censé décrire, et dont la dignité est autrement plus estimable que celle de sa détestable héroine, Louise Wimmer est une purge affreusement indigeste. A fuir tout séance tenante.

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