Réal : Cyril Mennegun
Avec : Corinne Masiero, Jérôme Kircher, Anne Benoit
Attention baudruche ! Rarement film n’aura été aussi éloigné de ce qu’il
était censé représenter : l’image fidèle de la précarité sociale contemporaine à
travers le parcours compliqué de Louise Wimmer, quinqua qui survit dans sa
voiture, avec pour seuls revenus un emploi de femme de chambre à temps partiel
et de rares ménages chez des particuliers. Angle du film : nous faire découvrir
une femme tellement dans le dur qu’elle se refuse à sourire à la vie, à
s’abaisser au remerciement facile, à être considérée comme en détresse. Louise,
se démerde seule, envers et contre tous. Véritable porte de prison qui ne fond
en larmes que lorsqu’elle conduit ou qu’elle a un verre dans le nez (ce qui
arrive plus souvent qu‘on ne le voudrait), elle espère qu’un appartement se
libère. En attendant c’est la guerre. Et pas question de lacher quoi que ce
soit. Et surtout pas une thune, nous en reparlerons plus tard…
Poncifs à tous les étages et dignité à géométrie
variable

Alors quoi, pour une presque marginale, elle fait la fine bouche Louise. Et
justement, c’est ça le cœur du film : Louise Wimmer a bien le droit de ne rien
demander à personne. Elle a bien le droit de cacher sa déchéance, quand bien
même tout le monde dans le film s’en rend compte. Sauf que comme dans tout conte
social digne de ce nom, Louise, elle tend parfois la main. Vers son patron
d’abord, qui est parfaitement ignoble. Il l’engueule quand elle arrive en
retard. Lui refuse un temps plein. Et pour ce qui est d’une avance elle pourra
toujours courir, Louise. De toute façon, elle s’en fout. Elle bosse mal, n’est
pas motivée et pique tout ce qu’elle peut dans l’hôtel. Dans l’enfer de la
précarité, c’est ni Dieu ni maître pour Louise. Alors son con de patron, elle
lui crache à la gueule.
Pour une poignée de poils sous les bras

Bon, jusque là, Louise Wimmer aurait pu n’être qu’un énième film sans
saveur (réalisation plate, bien éloignée de l’uppercut filmique qu’était Rosetta
en son temps) et un peu bancal sur une réalité sociale tellement dénaturée
qu’elle en devient comique, mais non, il faut que Mennegun en remette une
louche. Car Louise a du pognon. Zito estime son solde mensuel à au moins 700
euros par mois net. Vous le verrez, le calcul des dépenses, lui, sera encore
plus simple à poser. Simple, car notre sympathique héroïne ne lâche rien. Pas de
loyer, pas de frais de bouche (digne, elle se fait rincer au PMU toute la sainte
journée, et a une ardoise qu’elle esquive avec une élégance rare), elle siphonne
son gasoil à même les réservoirs de poids-lourds sur les aires de parking. Elle
s’habille avec ses vielles fringues. Et bien sûr, elle ne s’épile pas.
D’ailleurs, elle le montre à presque chaque plan. Il faut écrire ici que Corinne
Masiero joue toute la crédibilité de son personnage sur l’incroyable touffe
qu’elle exhibe en levant les bras dès que l’occasion lui est donnée. Louise
Wimmer ne paye pas la bouffe, mais fond comme un vautour sur les légumes à
volonté de Flunch. Elle pique le déodorant. Pique la flotte. Pique le vin. Pique
tout, mais vend pour plusieurs centaines d’euros de fringues, bijoux et foulards
hermès. C’est bien simple, dans la vraie vie, elle aurait fait fortune en
suivant ce régime sec.
Top crédibilité et Tchétchénie
Aussi finit-on par avoir la gerbe à force de suivre cette femme récipient,
garnie de morceaux de précarité surement réels mais qui, sur une seule personne
virent grotesque. A dire vrai, on a l’impression que même en Tchétchénie, elle
serait pas crédible, Louise Wimmer. Le sommet de l’odieux étant peut-être
atteint par cette volonté de ne plus montrer les autres, ceux du capital, les
patrons, les mieux lotis, les créanciers, dont les visages sont au fil du film
de moins en moins montrés, dans un déni total d’humanité, pour mieux s’attarder
sur les traits profondément chaleureux de nos braves piliers de bars qui animent
la vie d’un PMU vivant et joyeux, populaire et sincère, comme le sont les
pauvres gens. Ceux la même que Cyril Mennegun regarde de tellement loin qu’il
n’en voit qu’une grossière caricature. Caricature qui fait de son film une farce
misérabiliste, hautaine et déplacée.
En bref : Louise Wimmer est donc l’antithèse que ce
qui est dit de lui : au lieu de la dignité que l’on voudrait y trouver, on n’y
rencontre que méchanceté, laideur et caricature. Factuellement, le film finit
par faire rire, avec sa Louise limite cleptomane, qui ne touche pas à son
salaire pour mieux voler jusqu’à ces amis les plus proches, avec l’assentiment
concerné d’un réalisateur qui ne semble pas vraiment avoir côtoyé la pauvreté.
Incarné par une Corinne Masiero en roue libre, qui nous la joue Actor studio,
avec moumoute sous les bras, rictus contracté et danse de mongole, tout
transpire la parodie, la vision d’en haut et le pathos involontaire. Artificiel
et déconnecté du réel, Louise Wimmer crève du grand écart entre la
façon dont il est perçu et sa vérité : un cinéma social qui dénature une réalité
difficile pour en rajouter toujours une louche de plus. Insultant pour les
précaires qu‘il est censé décrire, et dont la dignité est autrement plus
estimable que celle de sa détestable héroine, Louise Wimmer est une
purge affreusement indigeste. A fuir tout séance tenante.
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