lundi 25 novembre 2013

L'enfer mécanique- the car


Réalisation : Elliot Silverstein

Avec : James Brolin, Kathleen Lloyd, John Marley


Année : 1977                  Durée : 1h37                Pays : U.S.A.


"Ô grands frères de la nuit,
Qui avez survolé les vents chauds de l’enfer,
Qui avez demeuré dans l’antre du démon :
Manifestez-vous !"

Il fallait bien en exergue une strophe de la bible satanique d’Anton La Vey pour comprendre à quoi on allait avoir à faire. Tirons grossièrement le trait : L’enfer mécanique est à l’enfer ce que le Camping-car est au Carlton : une extension de service plus ou moins représentative de ce que l’on peut attendre d’un palace. Dans le cas de L’enfer mécanique, on va dire que c’est plutôt moins, sauf à penser que l’enfer est un endroit particulièrement surestimé, ce que nous ne pouvons totalement exclure.

Bref, L’enfer mécanique est une berline noire customisée, basse de plafond, au moteur qui ronfle comme un soufflet de forge, qui klaxonne de contentement à chaque fois qu’elle écrase un pauvre type, mais aussi et surtout qui est très, très susceptible, ce qui fera le malheur de l’une des héroïnes du film, ainsi qu’une des plus belles scènes de The Car.

Face à la berline diabolique, une paisible bourgade du Nouveau-Mexique comme on en croisait beaucoup dans le cinéma de cette époque. Une communauté joyeuse et saine, limite hippie, qui a tout du cadre de vie idéal fréquenté par la famille Ricorée et leurs cousins Nutella. Tout le monde y est aimable, souriant, bon vivant à l'exception d'un aigri qui bat sa femme et tombe sur ses gosses. Cette longue mise en place narrative est d'ailleurs l'un des point fort de ce film qui accuse aujourd'hui plus de trente ans d'âge.

Second point fort : le bureau du sheriff de Thomas County, avec ses dizaines de policiers pour une bourgade famélique. Habitués à mettre des contraventions et à régler des affaires domestiques, les morts qui s’accumulent soudain font s’écrouler sous leurs yeux terrifiés toutes leurs certitudes. Et c’est comme s’ils se prenaient l’armoire sur la figure : tour à tour ahuris, abattus ou frustrés, ils multiplient les plans foireux, les barrages percés et les duels perdus d’avance dans le plus grand désordre. Trop entraînés à picoler en
cachette et à bronzer sur le capot de leur véhicule de fonction, notre cheptel d’agents assermentés est d’une telle nullité qu’il lui faudra in-fine le secours du seul citoyen bête et méchant de Thomas County pour venir à bout de l’ignoble Enfer Mécanique, qui de son côté aura méthodiquement pourri l’ambiance de la congrégation. Imperturbable, elle soulève la poussière sur son chemin, dérange les répétitions de la fanfare locale, met à terre fanions et trompettes et va jusqu'à jouer méchamment au chat et à la souris avec les majorettes.

S’il a affreusement mal vieilli, The Car n’est jamais ennuyeux, un point qui rend sa revoyure passionnante, en plus du rapprochement évident à faire avec Rubber. Depuis les plans subjectifs collés aux pneus, bitume et pare-chocs, jusqu’à l’équipe de policiers particulièrement inefficaces, en passant par les bruitages qui accompagnent la voiture, tout ce qui fait la trame du non-film de Quentin Dupieux est là, le non-sens inclus. Étonnant.

En bref : The Car est un film étrange et attachant qui se trouve à cheval entre Duel et Christine sans jamais se placer au même niveau. Le temps a rendu ses effets spéciaux désuets, sa mise en scène trop sage ne fait pas le poids face à l’immense réalisation de Spielberg, et son caractère inoffensif fait bien pâle figure devant la cruauté du film de Carpenter. Pourtant sa peinture d’une communauté naïve rend nostalgique, tout comme son absence d’ironie, ses flics dépassés par les évènements, son sens du rythme et son final à la Tex Avery qui font de L’enfer mécanique un titre qui se revoit avec un plaisir aussi coupable que sincère.



lundi 18 novembre 2013

Le possédé : Préquelle d'Amityville



Réalisation : Damiano Damiani

Avec : Burt Young, Rutanya Alda, James Olson

Année : 1982     Durée : 1h40       Pays : USA

Suite du surcoté et sympathique Amityville, Le possédé s’avère en fait en être la préquelle, Damiano Damiani s’attachant à raconter le massacre originel qui avait inspiré la légende entourant cette macabre demeure. Faisons un retour rapide dans le passé pour se remémorer les faits : en 1977 sort le livre Amityville, la maison du diable qui témoigne de l’existence d’une maison hantée dont les occupants semblent maudits, enracinant les fait jusqu’au temps de la chasse aux sorcières. Les Lutz, qui l’occupent alors et participent activement au livre, se plaignent d’évènements paranormaux, d’odeurs pestilentielles et de présences invisibles qui finissent par les pousser à fuir après leur avoir ôté le sommeil durant de longs mois.

Pipeautage presque absolu, le livre vérité fait recette, la maison hantée devient légende, Stuart Rosenberg en tire un film au succès mondial, sobre, inquiétant et parfois un peu rasoir, à l’authenticité validée par le massacre, en 1974, de toute sa famille par Ronald Defeo. Armé d’une carabine, il abat froidement ses frères et sœurs, ainsi que ses parents, avant d’être arrêté et de plaider la folie. Cette nuit, une voix lui aurait intimé l’ordre de les attraper et de les tuer. Le plus jeune de ses frères avait neuf ans. 

Pour la génération de Frank Zito, cette histoire était de celles que l’on se racontait pour se s‘empêcher de dormir, le soir, quand le bois des maisons grinçait et que les lueurs de la nuit faisaient glisser le long des murs des ombres torturées indéfinissables. Fantasme d’autant plus inquiétant qu’il s’imaginait alors enfermé dans le grenier du 112 Ocean Avenue, derrière ses fenêtres rougissantes symboles absolus des yeux du diable.


Mais alors que l’original, appuyé sur l’histoire fantaisiste des Lutz, donnait dans le réalisme froid, Tomy Lee Wallace torche un scénario aussi excessif que fantastique autour de l’histoire pourtant vraie du massacre de la famille Defeo (devenue ici les Montelli). Le réalisateur des baroques Halloween III et Vampire, vous avez dit vampire II livre une histoire en deux parties bien distinctes, que le vieux faiseur rital semble s’être fait un plaisir de mettre en images.

Occupons nous d’abord de cette première heure durant laquelle nous assistons à l’arrivée des Montelli, à la malédiction qui frappe l’aîné, Sonny, et l’entraîne à tuer toute sa famille. Très bien tenue, assez tendue et malsaine, cette partie s’avère presque supérieure à La maison du diable. D’abord parce que le fantastique y est plus exubérant, l’esprit maléfique étant incarné par des travellings de caméra qui rappellent que la révolution Evil dead vient de passer par là, même s’il donnent ici l’impression de voir du Sam Raimi sous lexomil. L’efficacité est bien au rendez-vous : esprit frappeur, souffle maléfique, yeux exorbités, lévitation, fenêtres qui claquent, mutation physique, rien ne manque vraiment à l‘appel.

Et si Burt Young donne le minimum en père bourru, rôle qui pourtant lui colle à la peau comme un collant de ballerine depuis Rocky, Jack Magner (Sonny) et Diane Franklin (Patricia) livrent de leur côté une performance remarquable. Car ce qui fonctionne le mieux, trente ans plus tard, c’est cette destruction méthodique de la cellule familiale, ici vécue par le spectateur de façon douloureuse tant elle est malsaine. L’inceste subit et accepté par Patricia donne tout son sens au caractère lubrique de l’esprit qui gît dans les sous-bassements d’Amityville. On étouffe en redoutant le pire. Pire qui finit par arriver. Remarquable.
 
Sauf qu’il reste quarante minutes de bobine après le massacre. Et alors là, c’est la fête à la saucisse. Fini Amityville, place à un L'exorciste discount et interminable, mâtiné de films de procès et de gore bricolé. L’histoire par en vrille, les couleurs se font criardes, de la fumée sort d’un peu partout, la réalisation nous la joue baroque à tous les étages, tandis que le père Tom fait n’importe quoi pour colmater les brèches d’un scénario soudain interprété par des acteurs de seconde zone qu’on croirait tous affublés de postiches. Grimaces, déformations pas formidables, musique d’ambiance omniprésente, dialogues vasouillards et rebondissements loufoques, Le possédé ne sait plus où il va, gesticulant tristement jusqu’à une fin ultra prévisible qui nous fait presque oublier qu’avant tout cela, il y avait eu un film. Dommage.

En bref : Préquelle d’Amytiville, Le possédé narre l’histoire vraie du massacre perpétré dans la petite bourgade d’Amityville, et accessoirement à l’origine du mythe. Jack Magner, dans le rôle de Sonny, en fait des caisses, grimace beaucoup, mais dès qu’il s’agit de se faire malsain en jouant avec les sentiments de sa sœur, trouve alors le ton juste. D’autant que Diane Franklin (Patricia), en jeune fille folle de son frère au point d’envisager l’inceste pour le soulager de ses souffrances, est exceptionnelle. Damiano Damiani apporte son savoir faire et toute la démesure italienne à l’ouvrage. Hélas, Le possédé se retrouve, par un effet de scénario mal contrôlé, coupé en deux : une heure de malédiction suivi de quarante minutes d’exorcisme ringard qui se traîne de cours de justice en église, et finit par virer pantalonnade, voire zèderie ritale à la Lamberto Bava. Déséquilibré, il finit par se casser la gueule, non sans avoir réussi dans sa première partie à souffler l’haleine fétide du démon. A revoir.