vendredi 26 juillet 2013

Stupeflip au palais des festivals à Cannes


C’est appâté par un Hypnoflip Invasion qui redonne ses lettres de noblesse au concept album et clôture le triptyque de Stupeflip dans un rabâchage musical et thématique proprement hallucinatoire, que Frank et Madame Zito se sont bousculés afin d’assister à l’atterrissage du CROU venu instaurer l’ère du Stup sur une Côte d’Azur plus habituée au stupre.

Deux surprises avant l’invasion. D’abord la combinaison du soir, Stupeflip étant couplé à Saul Williams, dans une sorte de double affiche au sens douteux. Pris dans l’étau de la rentabilité et décomplexés par des festivals aux associations musicales pour le moins improbables, les programmateurs avaient donc décidé de remplir leur salle avec deux univers radicalement différents, et deux publics pas forcément faits pour coexister. Ensuite la localisation : l’antre même du palais cannois, le grand auditorium, avec accueil trois étoiles, smoking, nœud papillon et fauteuils de théâtre au rembourrage plus adaptés aux fessiers délicats des festivaliers qu’aux slips sur le crâne des stupfanatiques.


Bref. C’est un Saul Williams bondissant qui ouvre le feu avec une entame tonique, assez éloignée d’un dernier album chiant comme la pluie. L’homme slam par intermittence, crache un hip hop mâtiné de rock et de rap, mais malgré une prestation physique généreuse et techniquement impeccable, la set-list s’étiole pop, se ramolli au fil d’une performance qui aurait mérité la tête d’affiche et un public dévoué. Professionnel, accompagné par un groupe performant et sympathique, Saul Williams délivre ses messages brouillons avec la conviction d’un prêcheur méthodiste en transe, sans jamais convaincre un Frank Zito avalé au fil des minutes par la douceur de son fauteuil et bercé par le tambour ethnique que l’ex afro-punk devenu pop star utilise pour battre le rappel. Pourtant il n’y a aucun reproche à lui faire. Aussi quand madame finit par réveiller Frank, celui-ci applaudit-il à tout rompre l’honnêteté du travail bien fait, même si le cœur n’y aura jamais été.


Les yeux encore bouffis de fatigue, Frank scrute la salle où des clones de King Ju plus ou moins convaincants se rassemblent pour investir les premiers rangs en meuglant « Vengeance ! ». Et de vengeance il va être question tout au long d’un set particulièrement chiadé. Laissez tomber les critiques qui radotent que Stupeflip n’aime pas la scène, que le CROU se fout de son public comme de sa dernière chaussette, et que leurs concerts sont glauques et mous. Glauque, sans aucun doute, mais mous ?! Allez en toucher un mot à Cadillac et sa face de lune inversée, à King Ju et son bonnet troué enfoncé jusqu’à une bouche aux dents gâtées. Aucun doute, ces gars là ne calculent pas, ils vivent l’instant à fond. Dans le but d’en découdre, le CROU Stupeflip fait une entrée particulièrement mystique, drapé dans des toges lugubres, prend des poses aussi inquiétantes que grotesques. Le Sinode Pibouin n’est pas loin. L’heure est à la religion du Stup, et pour la grand messe, ils ont mis les petits plats dans les grands.


Scène obscure, masques de carnaval sordides, ambiance reloue, Stupeflip attaque avec « Les monstres ». Le son, tout en aspérité, gratte, crisse et craque. Et ceux pour qui le Stup se résume aux aimables ritournelles de Pop Hip d’en être pour leurs frais. L’ambiance est mortifère et hystérique. Le grand auditorium ressemble à l’antichambre de l’univers oppressant dépeint par le groupe depuis maintenant dix ans. Si la musique est toujours aussi barrée, l’inquiétude semble avoir dénaturé la recette de tarés. Fascinés, on suit donc ce premier chapitre anxiogène comme hypnotisés. Les titres s’enchaînent, les personnages entrent et sortent comme dans un Feydeau dégénéré aux décors crépusculaires. Comme convenu, le Stup fait vibrer le parquet.


Acte 2 : entrée en fanfare de Pop Hip. L’idole des jeunes, armé de son éternel enthousiasme et de sa gueule de ravi de la crèche, entonne ses titres rock’n’roll. L’ambiance s’apparente soudain à celle d’un bal de camping en plein mois d’août à Palavas les flots, mais avec ce grain de sable qui donne aux ritournelles de Pop Hip un goût bizarre, de celui qui finit par filer le bourdon. Bourdon qui reprend sa place après le meurtre abominable de Pop Hip, et le retour d’un King Ju qui alterne avec l’écume aux lèvres ses morceaux de bravoure, dont le phénoménal Spleen des petits. Reste à Rascar Kapac de cracher Stupeflip Vite. Le CROU se régale, insulte à tout va, ramasse des doigts d’honneur à la pelle, traite la foule de petite merde. Évidement Frank Zito ne se sent pas concerné. De son côté le public slam. Cadillac disjoncte. L’acte 3 se clôture en apothéose. Plus d’une heure de haute intensité et déjà le rappel, A bas la Hiérarchie, repris en cœur par toute l’assistance. Encore quelques insultes, mais c’est pour la forme. Stupeflip aime son public, mais fait semblant de ne pas le savoir. Comme Casimir, c'est un monstre gentil. Et accessoirement un putain de groupe.

Les lumières se rallument. Madame Zito fend la foule pour sortir prendre l'air, un masque de monstre sur le visage, Frank la rejoint sur le parvis avec un slip sur la tête et un sourire niais de bienheureux. Comme enivrés, ils dévalent les marches du palais des festivals sublimés par la nuit cannoise. Les flashes crépitent. Des pékins sont en train de prendre en photo le tapis rouge. L’hypnoflip ne durait donc qu’un temps, le temps pour Cadillac, Kin-Ju et Pop Hip de retourner à la menuiserie après avoir réveillé les p’tiots et p’tiotes qui dormaient en nous. Sans eux, ils ont quand même l’air un peu con, Frank et madame Zito. Ils s’en foutent, ils sont bien…


mardi 16 juillet 2013

Scream IV ou Mauvais Scary movie IV ?


Réalisation : Wes Craven

Avec : Neve Campbell, David Arquette, Courteney Cox


Année : 2011                 Durée : 1h51                Pays : USA

Il paraît que Scream 4 tombe pile à la date d’anniversaire de la sortie de l’original. Quinze ans donc nous séparent de la naissance du très médiocre aîné d’une franchise qui marqua la fin officielle de l’âge d’or du cinéma d’horreur, qui déclinait déjà depuis plusieurs années. Le genre se tourna alors pendant plus d’une décennie vers un public cynique, avide de pop-corn et de multiplexes. A part trente minutes offensives, l’original pédalait tranquillement dans la semoule jusqu’à sa conclusion grotesque. Succès interplanétaire con comme la lune -ce n’est pas le premier- monté au panthéon du film d’horreur à l’unique grâce de la médiocrité ambiante, il avait à l'époque rendu Zito particulièrement vénère...

Relou, chelou et moche comme un pou...
Et voici donc que le quatrième opus débarque sur nos écrans, précédé d’une presse élogieuse, comme à chaque livraison d’un Craven qui, faut-il le rappeler, n’a rien fait de bon depuis vingt ans. Et bien pas la peine de tortiller du cul pour chier droit : Scream 4 est relou, chelou et moche comme un pou. Lassant dès le pré-générique, mise en abîme en boucle qui donne le vertige quand au potentiel truqueur du métrage, il ne surprend jamais un public blasé par autant de contre-pieds cousus d’un épais fil blanc.

De fait, on a l’impression désagréable de se farcir un énième Scary movie. Avec sa ligne ultra ringarde et son côté remake pesant, on comprend de suite que rien n’a changé, si ce n’est que tout le monde a vieilli. Le couple Arquette a des pattes d’oies que les filtres ont du mal à masquer, et Neve Campbell n’a jamais parue aussi lasse. Quand à Wes Craven, il tourne dans la lignée de ce qu’il fait depuis maintenant des décennies : sans talent, imagination ou sincérité. Car ce qui est magnifique dans cette boule de cynisme qu’est Scream 4, c’est qu’elle dit tout sur un réalisateur qui hante le genre uniquement parce qu’il lui assure de bons revenus. D’horreur, Craven n’en a plus cure depuis des lustres. La preuve, cet opus dénué de toute séquence sanglante, l’infâme réalisateur multipliant les meurtres édulcorés, le budget effets spéciaux se limitant à une lame rétractable en plastique véritable et à un cubitainer d’hémoglobine de synthèse.

Starlettes têtes à claques estampillées petit écran...
Tout le reste a été croqué par les salaires du réalisateur-producteur, par ses stars usées et sa galerie presque exhaustive de starlettes têtes à claques estampillées petit écran, venues cachetonner sans passion au biberon de la franchise juteuse. Les scènes s’enchaînent à un rythme insensé, Wes Craven étant obsédé à l’idée d’ennuyer son public pré-pubère, ou alors étant pressé d’en finir avec une histoire qui ne l’intéresse pas plus que ça. Ghost-Face gesticule dans tous les sens, visiblement inspiré par les performances raffinées de Johnny Deep dans Pirates des Caraïbes. En totale perte de charisme, il passe son temps à donner des coups de fils avec sa voix falsifiée pour poser des questions démodées, au point que Frank Zito a longtemps cru que cette fois, c’était Julien Lepers le coupable. Bref, ce fut la débâcle prétentieuse prévue, de celle qui utilise les nouvelles technologies en espérant que leurs seules présences modernisent son vieux pot. Ah oui, une fin audacieuse aurait pu sauver Scream 4 du néant, mais avec son rebondissement supplémentaire digne de Scoubidou, Craven, au bout du rouleau, achève sa franchise sans panache.

En bref : Le scénario avait été caché aux acteurs même, et l’on comprend mieux pourquoi. Répétitif, ennuyeux et ultra daté, il sert un film creux qui n’existe que pour faire fonctionner la trayeuse à billets verts. Cynique, moche et verbeux, Scream 4 est une parodie ratée, une comédie ratée, un remake raté, un shocker raté, bref dans le bref : un film raté. Comme tous les échecs de Craven, le ratage a un goût d’autant plus désagréable qu’il porte préjudice au genre lui-même, avec sa fausse cinéphilie et sa vraie vénalité, et pue du bec à se croire sophistiqué, malin et brillant alors qu’il n’est qu’un projet cheap qui pourrait être une préquelle du premier tellement il a l’air miteux. Bref dans le bref dans le bref : concocté à partir d’une recette de grand-mère Craven , Scream 4 sort du four fade, sans consistance, mais rehaussé par le goût authentique du navet. Avec une pincée d'ironie en plus, il aurait eu le goût de la merde. Finalement on s’en sort bien.