mardi 29 juillet 2014

Detective Dee


Réalisation : Tsui Hark

Avec : Andy Lau, Bingbing Li, Tony Leung Ka Fai


Année : 2010        Durée : 2h02            Pays : Chine, Hong kong

Detective Dee sonne-t-il véritablement le retour de Tsui Hark au premier plan ? Question fondamentale à laquelle la critique, unanime, a répondu positivement, avec plus ou moins de réserves. Et qu’en est-il de Frank Zito, vous demandez-vous fébrilement ? Et bien c’est un oui itou, mais non assorti de réserve, et ce même si ce retour gagnant s’appuie sur des recettes éprouvées cent fois, mais qui sont remises ici au goût du jour avec une facilité qui laisse rêveur…

Magnifique mais pas superficiel
Car si les Wu Xia Pian contemporains, ces films de cape et d’épée remis sur le devant de la scène internationale avec Tigre et dragon, avaient tendance à se perdre dans un délire d’esthétisme qui finissait par mettre scénario et personnages au rebut, Tsui Hark ravive la flamme fantôme à la manière du film d’aventure eighties. Loin de se regarder faire des cabrioles à l’élastique, et ainsi de placer la charrue avant les bœufs, il s’attarde dans un premier temps à mettre en place des personnages forts, aux caractères singuliers, parfaitement caractérisés, auxquels on s’attache immédiatement.

Le casting, mené par un Andy Lau de gala, est royal et extrêmement équilibré. Pareil pour les décors, somptueux. La reconstitution historique est précise sans alourdir le processus cinématographique. Les couleurs sont riches, les tissus et les armes magnifiques et magnifiés , chaque séquence est isolée dans un tableau différent qui soutient l’émotion désirée par le réalisateur. De la même manière, les chorégraphies s’intègrent parfaitement au récit et ne tombent jamais dans la facilité. Car tout dans le Detective Dee est assujetti à son histoire, jusqu’à la mise en scène, d’une précision diabolique, mais toujours au service du film, et non de son réalisateur.

L'Indiana Jones asiatique
C’est ce qui finit par faire de Detective Dee un grand divertissement, tel que Spielberg savait les faire il y a plus de deux décennies. Tsui Hark joue la carte du spectacle, de l’émerveillement, jamais de l’esbroufe facile. L’honnêteté de sa démarche fait même passer des CGI parfois douteux, la bête noire du sensible Zito, pour ce qu’ils sont : le moyen de montrer l’indescriptible. Aussi se régale-t-on d’admirer un bouddha céleste gigantesque, un cerf sacré tailler la bavette, des corps qui se consument de l’intérieur, des bannières maudites, des cloportes de feu, le tout parfaitement intégré à la grâce d’une réalisation qui n’oublie pas sa mise en scène pendant le spectacle d’effets spéciaux.

Ensorcelé par l’aspect visuel, captivé par un Dee à la douce insolence qui n’est pas sans rappeler celle d’Indiana Jones, tout comme le reste du métrage d‘ailleurs, bercé par un score épique de toute beauté, on se laisse embarquer par ce grand spectacle jamais antipathique, à la narration claire assez éloignée des canons du temps, captivé par la complexités des rapports politiques de l’époque, avec ses double jeux et ses trahisons en cascades, mais aussi et surtout par cette capacité que Tsui Hark a, de nous renvoyer en enfance, avec son enquête à la frontière du fantastique, proche, si proche de ces heures où l’imaginaire côtoie le réel, où l‘on a le sentiment de rêver éveillé. Impérial, il décoche une flamme fantôme qui touche à la quintessence même de ce que peut-être le cinéma, un art capable de nous faire voyager par delà le temps, l’espace et la réalité.

En bref : Tsui Hark est de retour avec un Wu Xia Pian en tout points magnifique. Avec son histoire d’auto combustion, ses arts divinatoires et ses marchés fantômes souterrains, Detective Dee nous fait voyager comme seules les productions les plus exceptionnelles savent le faire, et dont la recette, perdue par Hollywood depuis bien longtemps, est de raconter une histoire sans ironie, sans distance, avec le seul plaisir de la faire partager au plus grand nombre, le plus sincèrement possible. "La nouveauté ne dure qu’un temps" glisse malicieusement le juge Dee, à cet instant alter ego d’un Tsui Hark vieillissant qui savoure sa main mise sur le temps, sa capacité à se tenir à distance de ses courants qui emportent les baudruches et altèrent leur talent. Indéniablement la grosse production la plus excitante de ce début d’année.