Avec : Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick
Année : 2010
Musique : Mr Oizo, Gaspard Augé ; Durée : 85 min; Pays : France
Quentin Dupieux pose les jalons de son incroyable Rubber dans une scène d’exposition d’anthologie, où Stephen Pinella, flic et accessoirement monsieur loyal du film, sort du coffre d’une voiture qui vient d’écraser une dizaine de chaises en plein désert, pour faire un speech aux spectateurs -nous et nos d’alter-egos, une quinzaine d’américains moyens, panel édifiant du spectateur lambda- où il explique que la raison d’être de l’entreprise sera justement l‘absence de raison.
Introduction à la renaissance d’un pneu sérial killer que l’on va regarder faire de l’apnée, suivre des émissions de gymnastique matinale, boire à la rivière comme un prédateur, prendre une douche, s’interroger sur le sens de sa vie devant un miroir, draguer les filles, dormir à la belle étoile et bien sûr, éclater par télépathie pneumatique tout ce qui se trouve sur son passage, avec une prédilection certaine pour les têtes humaines. Tout cela sous l’œil avide de ces badauds qui nous incarnent, captivés par un spectacle qui n’en est même pas un.
Loin d’être aussi nonsensique qu‘il le proclame, Rubber déroule sous nos yeux tout un décor référentiel à l’histoire du cinéma d’horreur, citant tour à tour Massacre à la tronçonneuse, Psychose, l’enfer des zombies, Shinning, Scanner, j’en passe et des slashers. Motel miteux, désert inondé par un soleil de plomb, piscine à la fraîcheur enivrante, snack dépeuplé, redneck affublés de lunettes de soleil vintage, sergents interchangeables, station service désaffectée, transcontinentale goudronnée type 66, tous les stéréotypes du Texas des années 70 sont rassemblés sous l‘appareil photo de Dupieux.
L’ambiance est également planante, à la grâce de la musique cosignée par Mr Oiso (le réalisateur) et Gaspard Augé (la moitié de Justice), qui colle au film de Quentin Dupieux comme un slim au cul d’un obèse. L’humour juste assez décalé, sonne toujours juste. Au final Rubber flirte à la lisière du cinéma Arty et de l’exploitation pure, et donne à voir un hybride quasi-parfait, véritable alliage alchimique d’audace et de divertissement. Une bombe…